• Cours : Mémoires d'Hadrien, Marguerite Yourcenar

Mémoires d'Hadrien, Marguerite Yourcenar Cours

Réflexions sur « soi-même comme un autre ».

L'expression « Soi-même comme un autre » renvoie au titre d'un essai du philosophe Paul Ricœur publié en 1990. Il reprend une expression d'Aristote, qui définit l'ami comme un autre soi-même ( allos autos en grec) dans Ethique à Nicomaque . Ricœur inverse le sens des termes en définissant le soi comme un autre . En effet, il étudie la possibilité pour le sujet de s'analyser lui-même comme un autre, de se mettre à distance pour s'observer comme un autre . Cette proposition implique également la possibilité de penser l'autre comme soi-même , c'est-à-dire être capable de se mettre à la place de l'autre pour le comprendre.

Cet intitulé invite à se poser diverses questions  : 

  • Peut-on s'observer et s'analyser soi-même comme un autre ? 
  • Comment parvenir à la juste distance avec soi-même ? 
  • Peut-on se mettre à la place de l'autre pour le considérer comme un autre soi  ? 
  • Quelles voies la littérature de type autobiographique offre-t-elle pour se penser « soi-même comme un autre » ?

L'auteur : Marguerite Yourcenar (1903-1987)

Marguerite Yourcenar

L'œuvre : Mémoires d'Hadrien (1951)

Le roman Mémoires d'Hadrien est le récit, à la première personne, de la vie de l'empereur. Il raconte à celui qui va lui succéder ses mémoires. Si Marguerite Yourcenar se base sur des faits historiques, le roman est toutefois une fiction.

Lors d'un voyage en Italie en 1922, Marguerite Yourcenar visite la villa Hadriana, villa de l'empereur Hadrien, située non loin de Rome. C'est pour elle une véritable « étincelle » et le « point de départ » du roman  Mémoires d'Hadrien  publié près de trente ans plus tard.

Dans les  Carnets de notes de « Mémoires d'Hadrien » , publiés à la suite du roman, Yourcenar relate la genèse du roman :

  • Entre 1924 et 1929, puis entre 1934 et 1937, elle avait ébauché un texte sur Hadrien et fait de longues recherches, très documentées, mais avait finalement renoncé à ce projet. 
  • En 1948, elle reçoit une malle venue de France avec des papiers personnels et retrouve un texte qu'elle avait écrit bien longtemps auparavant qui commençait comme une lettre d'Hadrien adressée à Marc Aurèle. Elle renoue immédiatement avec ce projet, dans l'enthousiasme de l'inspiration créatrice. Le roman est publié en 1951 et connaît un succès immédiat.

Le roman se présente comme une longue lettre adressée à la fin de sa vie par l'empereur Hadrien, empereur romain du II e  siècle ap. J.-C., au jeune Marc Aurèle, son petit-fils adoptif qui deviendra lui-même empereur. 

Hadrien y relate sa vie, insistant sur les heures glorieuses de son règne mais aussi sur les détails intimes de son existence. Il y développe également une réflexion philosophique sur le pouvoir, la passion amoureuse, le temps, la mort, le divin et les mystères. Ainsi cette œuvre s'inscrit-elle à la fois dans le genre du roman historique et dans celui des mémoires fictifs, puisque le texte prend l'apparence de mémoires rédigés par le personnage lui-même.

Le roman est composé de six parties, portant des titres latins :

  • 1 re  partie : « Anima vagula blandula » (Petite âme vagabonde et câline)
  • 2 e  partie : « Varius multiplex multiformis » (Varié, multiple et changeant)
  • 3 e  partie : « Tellus stabilata » (La terre stabilisée)
  • 4 e  partie : « Saeculum aureum » (Le siècle d'or)
  • 5 e  partie : « Disciplina augusta » (Discipline auguste)
  • 6 e  partie : « Patientia » (Patience)

Le roman  Mémoires d'Hadrien  illustre le titre du parcours « Soi-même comme un autre ». En effet, Hadrien se regarde et s'analyse lui-même comme un autre dans ce texte qui s'apparente à une autobiographie ou à des mémoires. Il écrit d'ailleurs à Marc Aurèle : « Je compte sur cet examen des faits pour me définir, me juger peut-être, ou tout au moins pour me mieux connaître avant de mourir. » Le projet de Marguerite Yourcenar consiste également à entrer dans l'intimité d'un autre, à faire le « portrait d'une voix », comme elle l'écrit dans les  Carnets , et par conséquent la démarche de l'auteure vise à concevoir « l'autre comme soi-même ». D'aucuns disent aussi qu'à travers Hadrien, Marguerite Yourcenar s'analyse elle-même dans un autre, ce qu'elle a néanmoins toujours nié.

Textes-clés

Les références renvoient à la pagination de l'édition Folio du roman Mémoires d'Hadrien .

Premier extrait

Le texte étudié se trouve aux pages 29-30, de « Peu à peu » à « qui naissent entre leurs lignes. »

Mouvements du texte :

  • Premier mouvement : de « Peu à peu » à « fait scandale. » : le projet d'Hadrien.
  • Deuxième mouvement : de « Je ne m'attends pas » à « qui naissent entre leurs lignes. » : soi-même comme un autre.

L'essentiel à retenir du texte :

  • La forme épistolaire : Hadrien désigne son propre écrit comme une « lettre » à visée informative. Celle-ci est adressée à un destinataire précis, Marc Aurèle, qui est désigné à la deuxième personne du singulier, donc impliqué dans l'écrit. On apprend que Marc Aurèle a dix-sept ans, qu'il est destiné à succéder à Hadrien. Il est éduqué de manière très stricte pour le bien futur de l'État. La lettre se prolonge, gagne en ampleur, Hadrien rend compte de son expérience à Marc Aurèle pour l'éduquer, comme le montrent les mots « t'instruire », « un correctif ». L'épître prend dès lors une portée édifiante, didactique. Elle a une utilité immédiate puisqu'elle contribue à l'éducation d'un jeune homme.
  • Un pacte autobiographique fictif : Conscient de l'ampleur que prend sa lettre, Hadrien forme un projet plus vaste, celui de « raconter [s]a vie ». Autrement dit, il entame son autobiographie (ou ses « mémoires »). Il a l'intention de raconter ses « souvenirs », mais également de rendre compte de son « expérience » et se livrer à une « méditation ». Hadrien distingue ses mémoires à venir du compte-rendu « officiel » qu'il a rédigé antérieurement. Contrairement à ce compte-rendu destiné au public, cet écrit est privé (puisqu'il s'adresse à un proche), ce qui permet à Hadrien de dire toute la vérité, sans avoir à l'altérer pour satisfaire le jugement du public. Il présente donc dans ce passage un pacte autobiographique, s'engageant à exposer la « vérité ». Ce pacte est bien entendu fictif, puisque Marguerite Yourcenar donne la parole de manière fictive à Hadrien.
  • La connaissance de soi : Au-delà de la visée édifiante, ces mémoires ont surtout pour vocation de permettre au narrateur de « [se] mieux connaître avant de mourir ». Désormais âgé, Hadrien entreprend de porter un regard rétrospectif sur sa propre vie, de se regarder lui-même comme un autre, pour s'étudier et se juger le cas échéant. Au seuil de ces mémoires, il ne sait pas à quelles conclusions il parviendra. Hadrien évoque trois moyens d'accéder à la connaissance de l'homme : l'analyse de soi, l'observation des autres et les livres. En l'occurrence, l'introspection lui semble la méthode la plus efficace, parce que, contrairement aux deux autres, elle ne s'accommode pas de faux-semblants et ne donne pas lieu à des erreurs. C'est donc par ce moyen que l'on peut accéder à la vérité sur soi et sur l'homme.

Deuxième extrait

Le texte étudié se trouve aux pages 163-165, de « Une fois dans ma vie » à « ma part consciente d'immortalité. »

Notes :

  • Osroès : roi parthe avec lequel Hadrien a négocié une paix durable.
  • Tibur : ville antique proche de Rome.
  • Premier mouvement : de « Une fois dans ma vie » à « et bientôt passé » :  la nuit syrienne .
  • Deuxième mouvement : de « J'ai essayé de m'unir au divin » à « ma part consciente d'immortalité. » :  une expérience mystique .
  • Une prose poétique : L'épisode donne lieu à l'une des pages les plus poétiques du roman, et illustre par là ce qu'est la prose poétique de Yourcenar. La situation du narrateur, dans le désert, sous la voûte céleste infinie, dans un état de paix intérieur et d'abandon, souligne la poésie du passage. L'écrivain utilise différents outils littéraires : la description de la lumière nocturne, l'évocation poétique des constellations aux noms allégoriques, les métaphores, le travail sur le rythme des phrases et les sonorités. 
  • La communion avec le cosmos : Le narrateur évoque un moment de solitude et d'abandon total (« abandonnant pour quelques heures », « je me suis livré »). Le silence, la nuit, la sensation que le temps est suspendu lui permettent une observation des astres d'une grande acuité (« les yeux bien ouverts »), au point d'écrire qu'il a « offert aux constellations le sacrifice d'une nuit entière ». Cette observation donne lieu à une communion avec le cosmos, présentée comme un « voyage » : les constellations se balancent dans le ciel nocturne, se déplacent au cours de la nuit et le narrateur semble accompagner leur mouvement. D'ailleurs, cette expérience « inscri[t] en [lui] le mouvement des astres ». C'est donc une expérience à la fois extérieure et intérieure, un moment de fusion avec l'Univers.
  • L'expérience mystique : Hadrien fait l'expérience d'une illumination, au sens propre et figuré, d'une « extase », c'est-à-dire d'un moment où l'être sort de lui-même pour accéder au divin. D'ailleurs il en parle comme d'un moment où il est parvenu à « [s']unir au divin ». Cette expérience mystique lui donne accès à une forme d'« immortalité », comme il l'écrit en conclusion du passage. Il atteint en effet un point de fusion avec l'infini et l'éternel, qui lui permet de vivre intérieurement l'immortalité tout en demeurant mortel, ce qui l'égale au divin. Cette « nuit syrienne » donne lieu à une méditation sur le temps, la finitude, la mort et le mystère que représente l'au-delà de la mort, et annonce la suite du roman, notamment la dernière partie.

Troisième extrait

Le texte étudié se trouve aux pages 310-311, de « La méditation sur la mort » à « soulever des mondes. »

  • « Petite figure boudeuse… » : il s'agit d'Antinoüs, l'amant d'Hadrien, qui s'est suicidé.
  • Parturitions : accouchements.
  • Épicure : philosophe de l'Antiquité, fondateur de l'école épicurienne, qui conçoit la mort comme vide et néant total.
  • Tuf : matériau originel.
  • Premier mouvement : de « La méditation sur la mort » à « le rire d'Epicure. » : méditation sur la mort .
  • Deuxième mouvement : de « J'observe ma fin » à « soulever des mondes. » : soi-même comme un autre ?
  • Un passage méditatif et philosophique : Le passage constitue une longue méditation sur la mort, qui présente un caractère général. En témoignent les phrases de portée générale et l'emploi du présent de vérité générale. Hadrien évoque sa propre mort, présentée comme imminente et presque désirée. Il évoque également la mort d'Antinoüs, l'homme qu'il aimait, et le deuil douloureux dont il a fait l'expérience. Il passe en revue les diverses croyances et conceptions de la mort qu'il a pu rencontrer : croyances égyptiennes, croyances romaines soutenues par les prêtres, théories de l'immortalité, conception épicurienne de la mort comme un néant. Aucune ne lui semble résoudre le mystère de la mort. Son expérience personnelle et son intuition philosophique ne peuvent se satisfaire de ces hypothèses. La réflexion philosophique est teintée de poésie, la mort étant évoquée par des métaphores et décrite comme une frontière temporelle.
  • Une réflexion sur la permanence de l'identité : Au terme de sa vie et de ses mémoires, Hadrien s'interroge sur les changements qui affectent son identité d'homme. Il s'étudie, s'observe et cette observation nourrit sa méditation sur la vie et la mort. Il rappelle des moments marquants de sa vie (enfance, deuil, campagnes militaires) et se désigne lui-même à la 3 e personne du singulier, s'observant donc de l'extérieur, comme un autre. Pour autant, il constate la permanence de son identité : les temps verbaux (passé et présent) rendent compte de cette permanence dans le changement (« Je suis ce que j'étais ») et il lui semble que le fondement de son être, évoqué de manière métaphorique, est inchangé en dépit des transformations purement extérieures et superficielles. Il lui semble même possible de vivre encore d'autres vies, dans un autre lui-même, qui, tout en étant autre, serait encore lui.

01 86 76 13 95

(Appel gratuit)

Cours : __Mémoires d'Hadrien__

Mémoires d'Hadrien

Le bac de français 2024 arrive à grand pas ! Pas de stress, on a pensé à toi avec la liste des oeuvres ou bien un plan de révision pour les épreuves anticipées de 1ere 💪

Mémoires d'Hadrien , Yourcenar : roman et subjectivité

Introduction :

Il n’est pas besoin de se mettre nommément en scène pour dire les méandres de sa vie intérieure. Comme l’écrivait Pierre Bergounioux « on ne fait jamais qu’intérioriser le monde extérieur » (« Dedans, dehors », Revue des sciences humaines n o  263) et chaque texte dit quelque chose de son auteur. La plupart des recherches formelles des romanciers du vingtième siècle autour de l’écriture de soi tendent à vérifier ce constat. Quand Marguerite Yourcenar écrit les mémoires fictifs de l’empereur Hadrien, elle n’est pas dupe que le lecteur la cherche entre les lignes. Aussi se défend-t-elle en désignant Les Mémoires d’Hadrien comme « un ouvrage d'où [elle] tenai [t] justement à [s] 'effacer » .

Ces éléments nous interrogent sur la nature complexe de la première personne dans les Mémoires d’Hadrien . Qui parle réellement à travers ce « je » ? Dans un premier temps, nous nous demanderons comment le « je » se raconte dans ces mémoires fictifs, afin d’interroger ensuite la façon dont il se prend pour objet. Dans un dernier temps, nous montrerons comment ce jeu de miroirs incessant de la subjectivité masque un désir d’universalité.

Le « je » qui se raconte : des mémoires fictifs

Dans cette première partie du cours, les analyses citées de Yourcenar sur son roman sont toutes extraites des Carnets de notes de « Mémoires d’Hadrien » .

L’auteure du livre n’est pas l’auteur des mémoires. Marguerite Yourcenar parle de « mémoires imaginaires » . La situation d’énonciation est dès lors ambiguë : l’auteure prête sa voix à un personnage historique qu’elle tente d’incarner au mieux, en récréant sa subjectivité.

Marguerite Yourcenar Mémoires d’Hadrien subjectivité

Dans Carnets de notes de « Mémoires d’Hadrien » , elle se réclame du caractère fictif de son œuvre en déclarant : « Une reconstitution du genre de celle qu'on vient de lire, c'est-à-dire faite à la première personne et mise dans la bouche de l'homme qu'il s'agissait de dépeindre, touche par certains côtés au roman . »

La démarche de l’auteure : déléguer la parole

Le genre des mémoires adopte une perspective à la fois historique et littéraire pour raconter une vie considérée comme révélatrice d'une période importante de l’Histoire.

  • Mémoires d’Hadrien se signale par une vérité historique, une fidélité aux faits.

Marguerite Yourcenar fait le « portrait d'une voix » . L’ utilisation de la première personne est un moyen d’accéder à la vérité de cet être.

Elle l’explique elle-même : « Si j'ai choisi d'écrire ces Mémoires d'Hadrien à la première personne, c'est pour me passer le plus possible de tout intermédiaire, fût-ce de moi-même . Hadrien pouvait parler de sa vie plus fermement et plus subtilement que moi » . Elle qualifie de « magie sympathique » ce procédé qui consiste à « se transporter en pensée à l'intérieur de quelqu'un » .

Remarque :

L’adjectif « sympathique » peut signifier, dans certains emplois, « qui agit indirectement ». En ce sens, la magie sympathique considère qu’il existe des équivalences symboliques entre les éléments qui nous entourent.

Hadrien Yourcenar villa Adriana

Cette œuvre est le fruit de trente ans de recherche. L’auteure l’a commencée en 1924 lors d'une visite de la Villa Adriana à Rome, puis abandonnée en 1929 pour ne la reprendre qu’en 1948. Ses deux sources principales pour l'étude de la vie et du personnage d'Hadrien sont l'historien grec Dion Cassius et le chroniqueur latin Spartien.

Marguerite Yourcenar a également utilisé des œuvres authentiques d’Hadrien lui-même : des poèmes cités par les auteurs du temps, comme le poème à l'Amour et à l'Aphrodite Ouranienne, des fragments de discours ou de rapports officiels, trois lettres d'Hadrien à propos de sa vie personnelle ( Lettre à Matidie , Lettre à Servianus , Lettre [adressée par l'empereur mourant] à Antonin ).

L’auteure dit avoir « revivifié » les documents historiographiques. En effet, Marguerite Yourcenar recrée la subjectivité de l’empereur. Elle explore la conscience du personnage à travers l’écriture à la première personne, mais aussi en utilisant le point de vue interne, en prêtant à Hadrien des doutes et des certitudes.

Bien entendu, l’imagination de l’écrivaine sert à combler les manques.

Pour autant, elle s’efface derrière le personnage. Sa démarche est fictionnelle . Son projet est de « refaire du dedans ce que les archéologues du XIX e ont fait du dehors » , ressuscitant ainsi l’empereur Hadrien.

La démarche du personnage narrateur : un regard rétrospectif

L’empereur est un homme qui va mourir. Il souffre d’hydropisie (insuffisance cardiaque). Malade, et libéré de ses fonctions officielles, il s’est retiré loin de Rome, dans sa villa de Tibur. « Je n'en suis pas moins arrivé à l'âge où la vie, pour chaque homme, est une défaite acceptée » écrit-il.

Hadrien Yourcenar Mémoires d’Hadrien Antiquité Rome antique empire romain empereur

L’œuvre est, dès le prologue, placée sous le signe de la mort . Le regard rétrospectif permet à l’empereur de « reparcourir sa vie » , de dresser le « paysage de [s] es jours » pour en faire apparaître les moments d’apogée et de déclin . L’emploi des temps du passé et la modalité énonciative sont alors autant de moyens qui servent l’illusion de la résurgence du souvenir.

Le déclin est à la fois le point de départ et la fin de l’écriture : il constitue le sujet de la lettre écrite au présent et figure dans les premier et dernier chapitres. La composition est donc cyclique . L’empereur malade parle de ce à quoi il doit renoncer, comme le sommeil, la nage, l’équitation et l’amour.

Marc Aurèle Yourcenar Mémoires d’Hadrien Antiquité Rome antique empire romain empereur

Le roman est une lettre adressée par Hadrien à Marc Aurèle, son petit-fils adoptif de dix-sept ans, qui est censé lui succéder ; c’est pourquoi nous avons, dans le paragraphe précédent, évoqué le genre épistolaire .

« J'ai formé le projet de te raconter ma vie » écrit l’empereur. Marc Aurèle est régulièrement présent à travers l’emploi de la deuxième personne du singulier . Hadrien présente à son héritier ses dernières réflexions avant de mourir et lui fait part de son expérience pour le former à la tâche qui lui reviendra. Destinataire du récit, Marc Aurèle représente le lecteur qui lit ces mémoires .

Yourcenar Marguerite mémoire d’Hadrien Marc Aurèle

Ce choix d’énonciation est très important : la démarche d’Hadrien n’est pas solitaire puisqu’elle a un destinataire. Le récit repose sur un pacte de sincérité . L’empereur avoue « des pensées extraordinaires, qui comptent parmi les plus secrètes de [s] a vie » .

Il reconnaît par exemple avoir frappé son amant Antinoüs et dit le regretter. Les mémoires d’Hadrien mêlent ainsi la vie intime et la vie publique.

Raconter sa vie : portrait d’une figure historique

Hadrien préfère le travail des mémorialistes à celui des historiens car, selon lui, la subjectivité permet de mieux saisir le sens des événements .

Une « querelle » a toujours opposé historiens et mémorialistes, ces derniers s’estimant plus aptes à décrire les faits et juger les événements, précisément parce qu’ils les ont vécus. Contrairement aux historiens qui tendent au plus d’objectivité possible en se faisant les enquêteurs d’une époque passée.

Hadrien se fait son propre mémorialiste : il écrit dans l’urgence de la vérité dont il est le témoin ; urgence à la fois insufflée par la difficile construction du souvenir et l’approche imminente de sa mort. L’empereur revient sur les expériences qui ont rythmé sa vie politique et qui l'ont conduit vers la sagesse.

Cependant, il ne livre pas que les faits publics mais parle aussi de sa vie intime .

Il ne veut pas qu’on se contente d’une « fiction » officielle à son sujet, ni d’une légende qu’il qualifie de « reflet miroitant, bizarre, fait à demi de nos actions, à demi de ce que le vulgaire pense d’elles » . Il présente son travail comme un « correctif » à cette légende existante, comme « un récit dépourvu d'idées préconçues et de principes abstraits, tiré de l'expérience d'un seul homme qui est [lui]- même » .

Hadrien parcourt toute sa vie, depuis sa naissance à Italica jusqu’à son ascension puis son déclin. Les quatre parties centrales de l’œuvre constituent le récit de vie et présentent un déroulement chronologique : son ascension à la tête de l’Empire, son exercice du pouvoir et la mise en ordre de sa vie, l’apogée de son règne, puis son déclin.

Pour cela, l’étude de soi est selon lui « la plus difficile et la plus dangereuse, mais aussi la plus féconde des méthodes » . Ni l'observation des hommes, qui cachent leurs secrets, ni les livres « avec les erreurs particulières de perspective qui naissent entre leurs lignes » ne suffisent. L’auteur de cette rétrospection joue de l’alternance entre présent de l’énonciation et temps du récit pour juger son parcours, tirer des leçons des faits du passé et donner un sens à sa vie.

Le « je » objet des mémoires : interroger et s’interroger pour se connaître

Dans cet extrait de la première partie de ses mémoires, intitulée «  Anima vagula blandula  » (petite âme vagabonde et câline), l’empereur Hadrien tente de définir les contours de qui il est et qui il fut.

« Quand je considère ma vie, je suis épouvanté de la trouver informe. L’existence des héros, celle qu’on nous raconte, est simple : elle va droit au but comme une flèche. Et la plupart des hommes aiment à résumer leur vie dans une formule, parfois dans une vanterie ou dans une plainte, presque toujours dans une récrimination ; leur mémoire leur fabrique complaisamment une existence explicable et claire. Ma vie a des contours moins fermes. Comme il arrive souvent, c’est ce que je n’ai pas été, peut-être, qui la définit avec plus de justesse : bon soldat, mais point grand homme de guerre, amateur d’art, mais point cet artiste que Néron crut être à sa mort, capable de crimes, mais point chargé de crimes. Il m’arrive de penser que les grands hommes se caractérisent justement par leur position extrême, où leur héroïsme est de se tenir toute la vie. Ils sont nos pôles, ou nos antipodes. J’ai occupé toutes les positions extrêmes tour à tour, mais je ne m’y suis pas tenu ; la vie m’en a toujours fait glisser. Et cependant, je ne puis pas non plus, comme un laboureur ou un portefaix vertueux, me vanter d’une existence située au centre. Le paysage de mes jours semble se composer, comme les régions de montagne, de matériaux divers entassés pêle-mêle. J’y rencontre ma nature, déjà composite, formée en parties égales d’instinct et de culture. Çà et là, affleurent les granits de l’inévitable ; partout, les éboulements du hasard. Je m’efforce de reparcourir ma vie pour y trouver un plan, y suivre une veine de plomb ou d’or, ou l’écoulement d’une rivière souterraine, mais ce plan tout factice n’est qu’un trompe-l’œil du souvenir. De temps en temps, dans une rencontre, un présage, une suite définie d’événements, je crois reconnaître une fatalité, mais trop de routes ne mènent nulle part, trop de sommes ne s’additionnent pas ; je perçois bien dans cette diversité, dans ce désordre, la présence d’une personne, mais sa forme semble presque toujours tracée par la pression des circonstances ; ses traits se brouillent comme une image reflétée sur l’eau. Je ne suis pas de ceux qui disent que leurs actions ne leur ressemblent pas. Il faut bien qu’elles le fassent, puisqu’elles sont ma seule mesure, et le seul moyen de me dessiner dans la mémoire des hommes, ou dans la mienne propre ; puisque c’est peut-être l’impossibilité de continuer à s’exprimer et à se modifier par l’action qui constitue la différence entre l’état de mort et celui de vivant. »

Mémoires d’Hadrien (première partie), Marguerite Yourcenar, 1951

Un portrait de soi-même

Afin de se dessiner, Hadrien met en évidence la dichotomie entre celui qu’on est et celui qu’on croit être : il refuse d’être de ceux à qui « leur mémoire leur fabrique complaisamment une existence explicable et claire » . Il va donc prendre le contrepied de ceux-ci et de « la plupart des hommes [qui] aiment à résumer leur vie en une formule » .

Il s’essaie à un autoportrait , bâti sur ce que sont les autres et qu’il n’est pas : « c’est ce que je n’ai pas été, peut-être, qui la (l’existence) définit avec plus de justesse » .

L’ anaphore « mais point » va servir à désamorcer chaque tentative de constitution du portrait. Ce contrepoids le maintient dans un perpétuel entre-deux qui lui refuse le qualificatif de grand homme ; ceux-ci étant justement caractérisés par l’ « extrêm [ité]  » de leurs positions. Hadrien oscille entre affirmation et négation (deux occurrences « je ne » , « je n’ » ) ; en parallèle, l’emploi du verbe « glisser » (d’un extrême à l’autre) renforce l’aspect fuyant de la vie dont il tente de tracer les contours.

La marge d’erreur et la part d’oubli sont grandes dans l’écriture autobiographique. C’est un constat que fait Marguerite Yourcenar elle-même : « Tout nous échappe, et tous, et nous-mêmes. La vie de mon père m'est plus inconnue que celle d'Hadrien. Ma propre existence, si j'avais à l'écrire, serait reconstituée par moi du dehors, péniblement, comme celle d'un autre ; j'aurais à m'adresser à des lettres, aux souvenirs d'autrui, pour fixer ces flottantes mémoires. Ce ne sont jamais que murs écroulés, pans d’ombre. »

Dans Mémoires d’Hadrien l’auteure cherche pour cette raison à reproduire ce qu’ont dû être les oublis de l’empereur à travers les lacunes de son texte et la difficulté de la résurgence.

  • L’écriture de vie est en partie une illusion.

À la fin de «  Anima vagula blandula  », Hadrien met en évidence cette part « nébuleuse » de toute vie. Ce souvenir fuyant de l’existence se double d’une matérialité qu’on retrouve dans la suite du texte à travers la métaphore d’un paysage.

Un « je » insaisissable

Cette image permet à l’empereur de représenter la diversité de son existence s’exprimant à travers les adjectifs employés pour qualifier le paysage figurant sa vie « composite » , formé de « matériaux divers entassés pêle-mêle » . Il s’improvise en Pygmalion de sa propre existence, livrant la recette de ce qui fait son identité : une base de nature, elle-même modelée par l’instinct et la culture, puis déchirée par les « éboulements du hasards » qui filent la métaphore géologique du paysage de montagne.

Notons par ailleurs que cette comparaison à une montagne annonce déjà, outre son apparente solidité, une forme de pérennité souhaitée : Hadrien veut qu’on se souvienne de lui.

La modalisation employée, à travers les « peut-être » et les autres marques du doute d’Hadrien, indique son incertitude. Yourcenar reproduit la démarche même du souvenir cheminant dans la mémoire.

  • Hadrien est en train de se remémorer sa vie.

Cet effet de progression du souvenir est renforcé par l’usage de la ponctuation : les nombreuses virgules créent un rythme heurté , encouragé de longues phrases avec des propositions subordonnées qui se superposent.

  • C’est que les souvenirs eux-mêmes, mais aussi les jugements des souvenirs, et la question de leur fiabilité s’empilent les uns sur les autres au sein de la démarche mémorielle.

L’étude de soi impose un effort pour « trouver un plan » à sa vie. L’allusion au « plomb » et à « l’or » , censés figurer une quête existentielle , permettent d’invoquer la figure de l’alchimiste , chère à Yourcenar, et en appelle un court instant à la magie .

Cependant, cette quête se révèle inaboutie, factice, et Hadrien constate que ce plan n’est qu’ « un trompe-l'œil du souvenir » . Devant le caractère obscur de toute existence, s’étudier doit passer par l’abandon des croyances et une mise à distance de soi.

La religion et le « je » comme un autre

Comme l’annonçait déjà l’incursion du magique dans le discours, Hadrien rentre ensuite dans des considérations théologiques (étude du religieux) à travers la mention du « présage » .

Rappelons que, dans la religion romaine, les augures étaient des prêtres chargés d’interpréter les présages naturelles (phénomènes météorologiques, vols d’oiseaux…).

Toutefois, au II e  siècle, sous le règne d’Hadrien, la religion romaine mélangée à d’autres cultes et d’autres religions, est en déclin.

religions empire romain IIe siècle

L’empereur remet en doute l’existence des dieux à la fois à travers cette référence à la religion archaïque (le présage) mais aussi à travers une allusion aux croyances monothéistes du christianisme naissant.

On distingue une présence christique dans la mention d’une « personne » , aux contours indéfinis, à laquelle sont expressément associés des adjectifs possessifs singuliers : « sa » , « ses » . Or, ce visage incertain est brouillé « comme une image reflétée dans l’eau » .

Ce passage du récit n’est d’ailleurs pas sans rappeler la genèse de l’œuvre. Marguerite Yourcenar affirme dans ses Carnets de notes de « Mémoires d’Hadrien » qu’une citation de Flaubert est à l’origine de son désir d’écrire sur l’empereur.

« Les dieux n'étant plus et le Christ n'étant pas encore, il y a eu, de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l'homme seul a été. »

Extrait de la correspondance de Gustave Flaubert

C’est cet abandon du divin qui doit permettre l’émergence de l’individu. Hadrien fait ici l’expérience de la déréliction (solitude morale par rapport au divin).

Pour autant, Hadrien choisit un nouvel angle pour se définir, passant de sujet à objet. : «  me dessiner dans la mémoire des hommes » (le pronom de première personne « me » est ici COD de la phrase et non plus sujet). Le « je » serait donc le produit de ses « actions » et la vérité émanerait de l’analyse de celles-ci.

« J'emploie ce que j'ai d'intelligence à voir de loin et de plus haut ma vie, qui devient alors la vie d'un autre » explique Hadrien plus loin dans le récit. Il poursuit en confessant la difficulté de ces deux procédés de connaissance qui demandent, « l'un une descente en soi, l'autre, une sortie hors de soi-même » . S’observer est nécessaire pour « entrer en composition avec cet individu auprès de qui [il] [sera] jusqu'au bout forcé de vivre » .

  • La connaissance de soi que cherche à atteindre Hadrien passe par une mise à distance, non seulement du divin, mais aussi de lui-même.

Le recours au mythe est une autre manière de s’envisager comme un autre et de mieux se connaître. Ainsi, le mythe d’Achille et Patrocle constitue-t-il pour Hadrien une image idéalisée de son amour pour Antinoüs. Car il faut, pour se connaître mieux, s’étudier comme un autre.

Le « je » universel : le récit d’une vie

Dans l’ouvrage Soi comme un autre paru en 1990, le philosophe Paul Ricœur oppose à « l’identité-mêmeté » (la permanence de l’identité), « l’identité-ipséité » qui change dans le temps et qui n’existe que dans une relation à l’autre. Il en ressort que l’écriture de soi doit en passer par l’autre.

  • Par conséquent, le récit de la vie d’Hadrien est aussi l’invention d’une vie, une appropriation très personnelle d’une existence.

Se connaître à travers l’autre : la théorie du contact

L’empereur emploie à plusieurs reprises la métaphore de la navigation pour parler de ce voyage intérieur  : « Comme le voyageur qui navigue entre les îles de l'Archipel voit la buée lumineuse se lever vers le soir, et découvre peu à peu la ligne du rivage, je commence à apercevoir le profil de ma mort » .

Il cherche à se « définir » , se « mieux connaître avant de mourir » , à se « juger » même, et ce notamment pour mieux appréhender celui qui est autre . N’oublions pas que l’empereur Hadrien a le goût de la différence et de l’ailleurs, notamment celui de l’ « obscur Orient » . Le voyage permet de percevoir les différences au sein de la nature, il est une « secousse donnée à tous les préjugés » . Aussi Hadrien étudie-t-il les mœurs des barbares au cours de ses voyages.

Dans l’Antiquité, le terme « barbare » désigne un individu qui n’appartient pas à la civilisation grecque (ou romaine) : il désigne plus largement celui qui est autre.

L’étude qu’Hadrien fait des barbares est d’autant plus approfondie qu’il souhaite évaluer l'existence humaine . Au début du roman, l’empereur explique en quoi son rapport au monde extérieur est pour lui une véritable philosophie de vie.

Il appelle ce rapport au monde extérieur la « théorie du contact » . L’idée est que la connaissance du monde ne passe pas que par la pensée philosophique pure mais se transmet , au contraire, par la rencontre avec l’autre, par l’expérience de ce qui n’est pas soi.

C’est aussi dans cet esprit qu’il se nourrit du contact avec Annius Vérus ou Plotine, qui sont partiellement des doubles de lui-même .

  • Ils lui permettent, par un effet de dédoublement (sorte de magie sympathique), de se comprendre.

Hadrien constate que la volupté et les expériences mystiques permettent de s’affranchir du « moi » et de communier avec l’autre. « Toute démarche sensuelle nous place en présence de l’Autre » écrit-il. Il ajoute plus loin que la volupté est « une forme plus complète, mais aussi plus spécialisée, de cette approche de l'Autre, une technique de plus mise au service de la connaissance de ce qui n'est pas nous » .

L’universalité et l’humanisme qui se dégagent du roman de Yourcenar (1951) cherchent à renouer avec un besoin d’empathie balayé par les conflits mondiaux de la première moitié du XX e  siècle.

Des questionnements qui dépassent le cadre de l’Antiquité : des vérités intemporelles

Le roman Mémoires d’Hadrien confronte notre vision du monde à celle des êtres du passé afin d’en tirer une forme de sagesse humaniste. Les quelques adresses parsemant le récit permettent au lecteur de la moitié du XX e  siècle de se sentir directement concerné . Comment ne pas voir une allusion aux conflits mondiaux du siècle dernier dans ces réflexions de Marguerite Yourcenar ?

« Ce II e  siècle m'intéresse parce qu'il fut, pour un temps fort long, celui des derniers hommes libres. En ce qui nous concerne, nous sommes peut-être déjà fort loin de ce temps-là » […] « Tout ce que le monde et moi avions traversé dans l'intervalle enrichissait ces chroniques d'un temps révolu, projetait sur cette existence impériale d'autres lumières, d'autres ombres »

Carnets de notes de « Mémoires d’Hadrien » , Marguerite Yourcenar, 1951

De la même manière, Hadrien qui évoque l’esclavage déclare :

« Je suis capable d’imaginer des formes de servitude pires que les nôtres, parce que plus insidieuses : soit qu’on réussisse à transformer les hommes en machines stupides et satisfaites, qui se croient libres alors qu’elles sont asservies, soit qu’on développe chez eux, à l’exclusion des loisirs et des plaisirs humains, un goût du travail aussi forcené que la passion de la guerre chez les races barbares ».

Mémoires d’Hadrien , Marguerite Yourcenar, 1951

Si on rappelle que le contexte de publication (1951) est celui du début des Trente Glorieuses, on lira ici une critique explicite du consumérisme et du capitalisme triomphant : les travailleurs étant, dans ce contexte, des esclaves modernes.

Le « je » humain à travers le « je » d’Hadrien : une vie à valeur d’exemple

Même si l’auteur se devine derrière le personnage, c’est une « grossièreté » selon Marguerite Yourcenar de prendre Hadrien pour une transposition d’elle-même. Tout au plus y a-t-il une filiation qu’elle évoque dans son autobiographie, Archives du Nord , à travers les figures de trois de ses ancêtres, passionnés déjà par l’Italie et la Grèce antiques.

Il faut comprendre qu’Hadrien est seulement pour l’auteure une figure qui la guide, dont elle partage la vision du monde. Comme l’empereur, elle aussi veut tirer profit du contact avec l’autre.

En faisant déclarer à Hadrien « tout être qui a vécu l'aventure humaine est moi » , Yourcenar signifie que la réflexion de l’empereur est le reflet des interrogations humaines . D’où, selon elle, la « grossièreté » de « ceux qui s'étonnent qu'on ait choisi un sujet si lointain et si étranger » .

Le roman Mémoires d’Hadrien constitue une interrogation philosophique sur l'humain, sur la condition humaine, l'autre et soi-même.

  • C’est en ce sens qu’il faut comprendre que l’auteure ait choisi le moment où l’empereur « se trouve devant sa propre vie dans la même position que nous »  : celle d’un examinateur, d’un juge.

Au-delà d’Hadrien, Yourcenar cherche à mettre en évidence la démarche rétrospective de tout être humain : chaque être se heurte à son passé, à ce qu’il a vécu.

  • C’est la dynamique du souvenir, qui fait notre humanité, qui interroge Yourcenar.

Conclusion :

Grâce à l’utilisation de la première personne et aux autres moyens grammaticaux offerts par le procédé de la subjectivité, Marguerite Yourcenar fait des Mémoires d’Hadrien une œuvre complexe quant au jeu qu’elle institue avec le temps, et riche de la multiplicité des points de vue qu’elle propose dans la démarche de l’écriture de soi. On y retrouve la démarche rétrospective du mémorialiste, le récit d’une vie publique : l’auteure s’efface derrière la parole de l’empereur afin de bien faire apparaître la subjectivité du personnage narrateur. Ce dernier cherche à se connaître et s’envisage avec distance, comme s’il doutait de lui-même. Certes, il lui est impossible de se saisir dans sa totalité, cependant, le « je » d’Hadrien devient une appropriation personnelle de l’auteure, le prisme d’une rencontre avec l’autre, afin de dégager une impression de réel et des idées personnelles. L’expérience d’Hadrien se fait le reflet des interrogations humaines.

plan dissertation memoires d'hadrien

Mémoires d’Hadrien, Yourcenar : analyse de l’œuvre

  • Anna Logacheva

À lire dans cet article :

plan dissertation memoires d'hadrien

Les épreuves anticipées du baccalauréat de français arrivent à grands pas et tu n’es pas à l’aise avec chacune des œuvres au programme ? Pas de panique, nous sommes là pour t’accompagner dans la dure épreuve que sont les révisions. Dans ce nouvel article, tu trouveras une fiche de lecture résumant tout ce qu’il faut savoir sur les Mémoires d’Hadrien, œuvre de Yourcenar au programme cette année pour le baccalauréat de français. 

Mémoires d’Hadrien de Yourcenar, une œuvre à la croisée des genres

Roman historique ou mémoires de fiction,  Mémoires d’Hadrien  se présente comme une lettre autobiographique adressée par Hadrien au futur empereur Marc-Aurèle. Sachant que le paysage littéraire qui prévalait au cours des années 1950-1960 était influencé par le Nouveau Roman, révolutionnant les formes du roman traditionnel, Yourcenar semble opter, aux antipodes de ce modèle, pour une écriture classique. Puisant dans un passé révolu un questionnement larvé de la civilisation occidentale, la romancière retrace dans ces mémoires fictifs l’itinéraire d’Hadrien lors de son règne sur l’empire romain de 117 à 138. Quoique la dimension politique soit une pierre angulaire à l’édifice romanesque, la veine autobiographique scrute le tréfonds de l’âme, le sens de la vie, la méditation sur l’existence et la mort. Structuré autour de six parties, l’œuvre de Yourcenar appréhende le parcours d’Hadrien qui dresse le bilan de sa vie en y apportant l’éclairage de l’altérité. Le projet se décline, partant, en fonction d’une intention clairement énoncée puisque Hadrien confie le but de ses mémoires en ces termes : «  me définir, me juger […], me mieux connaître avant de mourir  ». Dans cette lettre ‘autobiographique’, l’empereur revient sur les étapes marquantes de sa vie : les études, la carrière militaire, les rencontres, les voyages, le pouvoir, l’amour et l’idée du suicide. L’inépuisable exploration, tant psychologique que philosophique, rend l’œuvre de Yourcenar inclassable, à la croisée des genres. 

1ère partie :Animula vagula blandula (Amelette, vaguelette calinette), Hadrien revient sur ses gouts et ses principes de vie. Il considère que l’écriture renoue avec un désir de connaissance de soi. 2ème partie : Varius Multiplex Multiformis (Varié, complexe, changeant), il est question du gout pour l’hellénisme, de la formation militaire et des guerres daciques. 3ème partie : Tellus stabilita (la terre retrouve son équilibre), le narrateur expose le processus de pacification et souligne l’idéal civilisateur qu’il prône. 4ème partie : Saeculum Aureum (l’Âge d’or), la passion amoureuse pour Antinoüs, jeune adolescent, est abordée sous l’angle de la mort.  5ème partie : Disciplina Augusta (discipline auguste), Hadrien évoque les activités politiques qu’il poursuit et les mesures qui accompagnent sa succession (adoption d’Antonin comme fils et de Marc-Aurèle comme petit-fils). 6ème partie : Patientia (patience), l’idée du suicide affleure Hadrien mais il n’y succombe pas puis résume son œuvre.

Lire aussi : La liste des oeuvres au programme du baccalauréat de français 2022

Problématisation des Mémoires d’Hadrien de Yourcenar

L’intérêt porté à l’autre dans  Mémoires d’Hadrien  place l’œuvre dans le sillage de la thématique du ‘moi comme un autre’ : la connaissance de soi passe alors indubitablement par la rencontre et par l’exploration de la différence. Ainsi, comment s’enchevêtrent l’histoire individuelle et l’histoire collective ? Quelle est alors la place impartie à l’altérité ? Quelles limites s’imposent à la connaissance de soi et par le truchement de quels procédés l’écriture romanesque pallie ces difficultés ?

L’intrication de l’individuel et du collectif dans les Mémoires d’Hadrien de Yourcenar

La découverte de soi met en jeu l’introspection et une réflexion sur les expériences de la vie de l’émetteur de la lettre, Hadrien. Ce dernier souscrit à l’influence qu’exerce le pouvoir sur le cours d’une existence tout en associant, partant, le destin individuel à l’histoire collective. Ce sont d’ailleurs les idéaux de justice, de tolérance et de modération qui justifient son opposition au règne de Trajan lequel préconisait la guerre, l’autorité et la conquête. Ainsi, de l’intrication entre l’individuel et le collectif semble découler une vision du monde centrée sur l’exercice du pouvoir. Cependant, opérant un renversement de perspective, l’empereur est conscient de la portée de ses actions qui se répercutent sur l’histoire collective. Complexe et hétéroclite, ce pan de l’histoire converge avec la nature propre du narrateur : «  le paysage de mes jours se compose de matériaux entassés pêle-mêle. J’y rencontre ma nature, déjà composite, formées en parties égales d’instinct et de culture  ». Par conséquent, l’aspect versatile des faits historiques est accolé à l’esprit du narrateur à son tour changeant et sujet à tous les hasards :  «ça et là, affleurent les granits de l’inévitable ; partout, les éboulements du hasard. Je m’efforce de reparcourir ma vie pour y trouver un plan […] mais ce plan tout factice n’est qu’un trompe-l’œil du souvenir  ». 

Il importe alors, en vue de cerner l’interpénétration entre l’individuel et le collectif de remonter aux sources que fournissent les prédécesseurs : le père Aelius Hadrianus Afer et le grand-père Marullinus constituent les figures de proue de ce passé modelant l’esprit du jeune Hadrien : le grand-père forge une fantasmagorie qu’il tente d’insuffler à l’imaginaire d’Hadrien. Croyant aux astres, il se fie à eux pour prédire le cours des événements en annonçant le destin réservé à son petit-fils : «  il avait construit le thème de ma nativité. Une nuit, il vint à moi, me secoua pour me réveiller, et m’annonça l’empire du monde avec le même laconisme grondeur qu’il eût mis à prédire une bonne récolte aux gens de la ferme ».  De même, le père occupe une place de choix dans les mémoires puisqu’il influence en grande partie les croyances morales de son fils. Ceci incite Hadrien à énoncer que ses actes sont sa seule mesure «  et le seul moyen de [se] dessiner dans la mémoire des   hommes  ». En dépit de la moralité qui préside à toute action, l’empereur fait mention d’un ‘hiatus’ existant entre lui et ces actes, hiatus qu’il juge indéfinissable. C’est dans cette approche que la nécessité de sonder, d’explorer et d’interroger incessamment ses actes profondément ancrés dans l’histoire collective s’impose : «  Mais il y a entre moi et ces actes dont je suis fait un hiatus indéfinissable. Et la preuve, c’est que j’éprouve sans cesse le besoin de les peser, de les expliquer, d’en rendre compte à moi-même  ». 

Dans un  premier temps, il est indéniable que l’individuel et le collectif se nourrissent mutuellement : eu égard de la dignité de l’empereur et de son statut, le collectif porte souvent la marque des actes d’Hadrien. Cependant, la connaissance de soi sollicite la question de l’altérité, paramètre sur lequel le narrateur s’attarde dans sa lettre. 

Lire aussi : Gargantua, Rabelais : analyse de l’oeuvre

‘Soi-même comme un autre’ ou les visages de l’altérité 

L’introspection et l’analyse psychologique et philosophique sont autant d’approches visant l’optimisation de la connaissance de soi dans les Mémoires d’Hadrien de Yourcenar. Toutefois, la méditation et la réflexion s’avèrent des processus lacunaires en l’absence de véritable rapport à autrui : ce dernier est tantôt l’amoureux (incarné par la figure d’Antoniüs) tantôt l’étranger qu’il croise lors de ses conquêtes. La rencontre de l’autre constitue donc le pilier majeur de la découverte de soi. Tout d’abord, l’amour est un thème central dans les mémoires mais seul l’amour éprouvé envers Antoniüs semble fondateur, comme si Hadrien agit en Pygmalion façonnant l’être aimé : «  Je n’ai encore rien dit de cette beauté visible et pourtant soumise au temps ; l’enfant a grandi, ce visage changeait comme si nuit et jour je l’avais sculpté  ». D’ailleurs, l’amour vécu auprès d’Antoniüs est associé à un  âge d’or qui dispensait l’empereur de toute souffrance : «  quand je me retourne vers ces années, je crois y retrouver l’Âge d’or. Tout était facile…  » ; C’est un amour bénéfique à l’esprit, procurant bonheur et plénitude «  ce calme si propice aux travaux et aux disciplines de l’esprit me semble l’un des plus beaux effets de l’amour  ». En revanche, la mort impose sa loi puisqu’elle ébranle l’empereur ; à son tour, il se prépare à sa mort au point d’envisager le suicide. La douleur de la perte incite Hadrien à fonder une ville en l’honneur de l’être cher et organise un culte autour de sa personne.  La figure de l’amoureux est alors l’un des visages de l’altérité qui conditionne la connaissance de soi ; dans un second temps, le mouvement comme corrélat du voyage dévoile au narrateur des connaissances qui le fascinent. L’interrogation sur l’autre trahit un désir de décloisonner le monde du savoir tout en jouissant d’une ouverture d’esprit susceptible d’enrayer la violence et l’obscurantisme : la sensibilité lyrique face à la beauté de ce monde exploré recoupe la fascination éprouvée par le narrateur. En évoquant les voyages méditerranéens, il avoue : «  ce fut l’une des cimes de ma vie. Rien n’y manqua, ni la frange dorée d’un nuage, ni les aigles, ni l’échanson d’immortalité  ». 

Une avidité de l’autre est perçue dans les mémoires : la fascination pour les barbares est un thème omniprésent dans l’œuvre de Yourcenar «   ». il est important de noter que les voyages et les déplacements d’Hadrien dans l’Empire révèlent sa volonté de faire le tour du monde. L’intention pourrait se résumer en ces termes : tout connaître pour mieux se connaître. Partant, l’empire s’apparente à une métaphore de l’âme d’Hadrien : les pérégrinations dans l’empire seraient alors l’exploration des limites de l’être. 

Limites de la connaissance de soi : les défis du dévoilement dans le roman Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar

Le projet autobiographique dans l’oeuvre  Memoires d’Hadrien  s’inscrit sous l’angle du dévoilement de soi moyennant la connaissance de l’autre. Quoique soucieux de se départir d’une certaine complaisance qui porterait atteinte à la véracité des faits et de la réflexion, divers écueils semblent entraver la découverte de soi. Sur ce, le moi est jugé complexe, insaisissable et changeant, comme en témoigne le titre de la deuxième partie. Dans cette lignée, Hadrien note : «  des personnages divers régnaient en moi tour à tour, aucun pour très longtemps mais le tyran tombé regagnait vite le pouvoir  ». En raison de l’aspect fuyant du moi, le narrateur se trouve confronté à une réalité obscure qu’il serait difficile d’appréhender : «  au plus profond, ma connaissance de moi-même est obscure, intérieure, informulée, secrète comme une complicité  ». Afin de remédier à cette condition, le narrateur privilégie la distanciation pour «  voir de plus loin et de plus haut ma vie qui devient alors la vie d’un autre  ». Ensuite, à cette première difficulté s’ajoute une deuxième qu’Hadrien impute à l’insincérité des livres, « mais ceux-ci mentent, et même les plus sincères ». Aux déficiences de la parole qui idéalise ou défigure la réalité, Hadrien s’acharne à substituer un discours vrai. Le véritable défi réside dans cette intention.

Conclusion : humanisme, pacifisme, tolérance 

Mémoires d’Hadrien  ambitionne une découverte de soi par le truchement de la rencontre de l’autre. Bien que l’œuvre relève de la fiction, elle se trouve imprégnée d’une dimension autobiographique cédant la parole à l’empereur Hadrien ; ce dernier s’évertue à démêler les fils qui paraissent bien intriqués, renvoyant simultanément au destin individuel du protagoniste et à l’histoire collective. Sans prétendre accéder au moi, changeant et versatile, il fait appel aux différentes figures de l’autre : passerelle entre le monde et la connaissance de soi, l’autre est tour à tour l’amoureux, l’étranger et le détenteur d’une culture nouvelle. C’est alors au prix d’une telle confrontation que se scelle l’exploration du moi. Cependant, le projet autobiographique, moyennant introspection et analyse psychologique ainsi que réflexion philosophique, dépend des enjeux de l’authenticité et de la véracité. L’écriture de Marguerite Yourcenar rend compte d’une sensibilité lyrique face à la beauté du monde tout en associant la narration à la réflexion philosophique. L’œuvre repose donc principalement sur une langue noble articulée en fonction des valeurs promues par le pacifisme et la modération. L’autre offre une possibilité d’échange, d’enrichissement culturel et de connaissance de soi. Loin de bannir la différence, l’empereur semble la cultiver, la rechercher. 

Pour aller plus loin dans tes révisions du bac de français, tu peux consulter ici , une vidéo où Marguerite Yourcenar revient sur son oeuvre les Les Mémoires d’Hadrien dans l’émission Apostrophes.

Pour plus d’informations sur les oeuvres au programme du bac de français 2022, n’hésite pas à consulter nos ressources juste ici . Rejoins la team sur Instagram et TikTok !

Tu veux plus d’informations et de conseils pour réussir tes examens et trouver ton orientation ? Rejoins-nous sur Instagram et TikTok !

Mon expérience de fille au pair en Australie

L’impact des jeux olympiques et paralympiques sur l’économie française et internationale, l’emploi du temps en terminale (cours et horaires), les études en alternance à l’étranger, l’emploi du temps en première (cours et horaires), la feuille de route du ministère de l’éducation nationale pour cette nouvelle rentrée, les enjeux économiques des chocs pétroliers, parcoursup : je me retrouve sans rien, quelles solutions , comment obtenir une bourse d’excellence , rentrée 2024 : le coût de la vie étudiante en grande augmentation.

guide rentrée

Inscris-toi à la newsletter du futur 👇🏼

Dans la même rubrique....

dates bac français 2025

Bac français 2025 : les dates des épreuves

bac français 2025 parcours

Bac français 2025 : les parcours au programme

Image article contes

Le genre littéraire du conte

Image article versification

La versification en poésie : métrique, rythme et rime

Image article L'Ecume des jours

L’Écume des jours, Boris Vian : résumé et analyse

grille bac français oral

Bac 2024 : la grille d’évaluation de l’oral de français

FAQ français 26/03

Nos réponses à vos questions en français

oeuvre bac de français

Comment présenter une œuvre à l’oral du bac de français ?

Mémoires d'Hadrien de marguerite Yourcenar, résumé et analyse

Mémoires d'Hadrien  est un roman historique de Marguerite Yourcenar, publié en 1951. 

1. Résumé du roman

En l’année 138 après J.-C., l’empereur romain Hadrien, alors qu’il est condamné à une mort prochaine, saisit le prétexte d'une lettre adressée à son successeur Marc Aurèle pour rédiger son autobiographie mâtinée de préceptes éthiques et de maximes politiques. La première section des Mémoires (Varius, multiplex, multiformis) raconte les années d'apprentissage de ce jeune patricien d’origine hispanique, bientôt promu tribun dans la région du Haut Danube.

Après la mort de Nerva, Trajan devient empereur et envoie ce jeune homme prometteur, marié par convention à Sabine, en qualité de général en chef pour aller combattre les Sarmates en Pannonie. Son retour triomphal à Rome un an plus tard lui vaut le consulat puis la nomination en tant que légat de Syrie. Mais la campagne d’Asie a épuisé Trajan qui meurt en permettant à Hadrien d’accéder au pouvoir.

Son œuvre d’empereur débute par une négociation avec les Parthes : Hadrien dresse le bilan d'un règne centré sur le réta­blissement de la paix, fondé sur des réformes visant à civiliser et consolider l’Empire qu’il sillonne jusque sur ses marges (notam­ment en Bretagne où il édifie le fameux mur). La séquence s’achève par l’entrevue avec Osroès qui établit une paix durable (Tellus stabilita).

Sœculum aureum énonce dès son titre l’apogée de l’existence de l’empereur. S’ouvrant sur la mort de Plotine, l’épouse de Trajan qui fut son soutien permanent, la séquence évoque l’amour qui a lié Hadrien au bel Antinoüs. Des pages entières lui permettent de revivre ces moments euphoriques dont l’ascension du mont Etna symbolise la perfection, et qui se déchirent soudainement par le suicide de son amant.

Disciplina augusta inaugure alors la longue période de repli sur soi et du travail de deuil où l’empereur règle sa succession et parachève son œuvre publique, mise à mal par la révolte de Bar Kochba et la guerre de Judée, avant de se retirer dans sa villa pour méditer sur l’approche de la mort (Patientia).

2. Analyse 

► une œuvre de carrefours.

Du premier projet de 1924 à la publication en 1951, l’élabora­tion du roman s’étale sur presque trois décennies : c’est dire la longueur de maturation d’un projet qui a exigé une intimité exceptionnelle entre la romancière et son personnage, tout comme une érudition historique de premier ordre que manifeste la longue note énumérant, en fin d’ouvrage, les références scientifiques qui attestent la fidélité du portrait de l’empereur. Le texte qui en résulte constitue ainsi une sorte de sous-genre hybride mêlant roman et autobiographie, à la croisée de divers genres auxquels il emprunte sans pour autant se confondre avec eux : la lettre, le miroir des princes, le roman historique. Avec cette autobio­graphie fictive, volontairement éloignée des problèmes formels du roman pour se recentrer sur un champ éthique, Yourcenar invente un nouveau type romanesque, les mémoires apocryphes, entendant « refaire du dedans ce que les archéologues du xix c  siècle ont fait du dehors » ; par la sympathie, au sens étymologique, qu’elle voue à son personnage, par l’affirmation que « tout être qui a vécu l'aventure humaine est moi », elle légitime une entreprise consistant à raviver la figure d’Hadrien qui se fonde ainsi moins sur une identité que sur un rapprochement qui lui permet d'en interroger l’intériorité.

► Portrait d’un personnage seul

"Les dieux n'étant plus, et le Christ n'étant pas encore, il y a eu, de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l'homme a été seul".

À partir de cette phrase de Flaubert, longuement méditée par Yourcenar, s’esquisse la tentative de montrer un être face à son destin, tentant d’y imprimer sa maîtrise entre Histoire et subjecti­vité. Les Mémoires nous présentent ainsi la vérité d’un homme dans sa nudité, et sa volonté de se saisir lui-même à la confluence de l’éro- tique et du deuil, par le truchement d’une « théorie du contact » qui lui permette un rapport immédiat à l’Autre. À partir de son propre exemple, Hadrien médite sur la condition humaine en s'élevant à des considérations d’ordre universel, par le truchement d’une écri­ture revêtant bien souvent le caractère de maximes. Ainsi sa réflexion doit-elle être comprise tout à la fois comme recherche per­sonnelle et jugement embrassant un cadre plus vaste. C’est pourquoi le destinataire du texte ne saurait simplement être Marc Aurèle ; c’est surtout Antinoüs, l’empereur lui-même, et plus largement les lecteurs contemporains, qui en sont les récepteurs.

► L’autobiographie en question

Comme pour tout autobiographe, il s’agit pour Hadrien de se connaître, de ressaisir dans le flux des événements de sa vie une ligne de force qui puisse lui conférer un ordre (c’est le sens de l’organisation en séquences) et, par là, un sens. De fait, l’ap­proche de la mort, point aveugle qui soutient la tension drama­tique du récit, rend urgente cette saisie qui se fonde dès l’abord contre les mémoires officiels. Car c’est la vérité intime du sujet et non son action extérieure, en lisière d’hagiographie, qui intéresse l’empereur. Or, on comprend que la mort d’Antinoüs, lieu central du récit, ne saurait finalement être objet de connaissance, mais seulement de compréhension : l’autre conserve une inaliénable liberté, de sorte que le but de l’autobiographie se trouve moins dans la poursuite d’une illusoire élucidation que dans le creusement du questionnement qui la fonde. Nul doute que l’on touche là à ce que d’aucuns ont nommé l’humanisme de Yourcenar, qui consiste ici à faire résonner dans le questionnement nocturne d'un homme du 11 e  siècle l’inquiétude mais aussi le bonheur d’être au monde qui échoit en partage à chacun.

banner-1000-1

Mémoires d’Hadrien

plan dissertation memoires d'hadrien

En 1951, Marguerite Yourcenar publie chez Plon un ouvrage en chantier sous différentes formes depuis environ un quart de siècle, auquel elle a travaillé de manière plus systématique depuis 1948:  Mémoires d’Hadrien , qui va lui assurer la célébrité. Elle y donne la parole à l’empereur romain  du second siècle de notre ère, qu’elle imagine écrivant une longue lettre au futur Marc Aurèle, qu’il a choisi comme héritier par-delà Antonin.

À l’issue de la seconde guerre mondiale, Marguerite Yourcenar croit à la possibilité d’une reconstruction équilibrée du monde. Elle établit un parallèle entre la guerre parthique de Trajan et la seconde guerre mondiale. De la même façon qu’après les glorieux échecs de Trajan Hadrien a reconstruit, de la même façon elle espère que le monde pourra retrouver équilibre et ordre harmonieux après les massacres de 1939-1945. Elle ne se tourne donc pas vers le passé pour oublier le présent, mais elle l’y retrouve, comme avec le mythe, décanté, dans sa dimension universelle.

Marguerite Yourcenar utilise de manière rigoureuse les sources antiques et les textes critiques pour donner de l’empereur une vision, qui, dans l’ensemble, est tout à fait vraisemblable et correspond, somme toute, à ce qu’une approche scientifique peut cerner du personnage historique, même si on décèle certaines affinités entre l’auteur et l’empereur : goût pour le beau, sens de l’indépendance, passion des voyages, bisexualité. Certains rapprochements sont dessinés avec le présent, de manière anachronique, mais c’est pour mieux souligner la parenté entre l’Antiquité et nous : ainsi Hadrien pense à un état à venir du monde, centré sur l’Occident, comme s’il pressentait cette Amérique qui ne sera découverte par les européens que plus d’un millénaire plus tard. Marguerite Yourcenar fait, en réalité, d’Hadrien l’incarnation d’une sagesse universelle : non seulement il représente un idéal de gouvernement éclairé et lucidement pacifique, mais encore, du point de vue individuel, la maîtrise de soi au milieu des malheurs de la vie, comme la mort d’Antinoüs ou la guerre de Judée. La sagesse d’Hadrien n’est pas une sagesse figée, mais une sagesse qui se conquiert : un « humanisme qui passe par l’abîme ».

  • Prépublication en revue
  • Publication en volume

«  Animula, vagula, blandula  »,  La Table Ronde , 43, juill. 1951, p. 71-84.

«  Tellus stabilitata  » [ sic ],  La Table Ronde , 45, sept. 1951, p. 36-59.

«  Varius, multiplex, multiformis  »,  La Table Ronde , 44, août 1951, p.94-118.

« Carnet de notes des  Mémoires d’Hadrien  »,  Mercure de France , 316, 1071, nov. 1952, p. 415-432.

« Comment j’ai écrit  Mémoires d’Hadrien  »,  Combat , 17 mai 1952.

Mémoires d’Hadrien , Paris, Plon, 1951, 319 p.

Mémoires d’Hadrien , Paris, Le Club du Meilleur Livre, 1953, coll. Le visage de l’histoire

Mémoires d’Hadrien , Paris, Plon, 1955, 319 p.

Mémoires d’Hadrien , Paris, Club des Librairies de France, 1956, coll. Fiction, 39.

Mémoires d’Hadrien , Paris, Le Livre de Poche, 1957, n° 221-222.

Mémoires d’Hadrien , Paris, Plon, 1958, 329 p. (avec Carnet de Notes)[éd.rév.].

Mémoires d’Hadrien , Lausanne, La Guilde du Livre, 1959, 256 p.

Mémoires d’Hadrien , Paris, Plon, 1962 (1966), 358 p., coll. Nouvelle Bibliothèque Française.

Mémoires d’Hadrien , Paris, Le Club Français du Livre, 1963, 289 p., coll. Romans, 282.

Mémoires d’Hadrien , Paris, Gallimard, 1971, 354 p. [éd. rév.].

Mémoires d’Hadrien , Paris, Le Livre de Poche, 1973, n° 221.

Mémoires d’Hadrien , Paris, Gallimard, 1973 (1974), coll. Blanche.

Mémoires d’Hadrien  ; suivi de « Carnets de notes de  Mémoires d’Hadrien  », Paris, Gallimard, 1977, 364 p., Folio, 921.

Mémoires d’Hadrien , Paris, Gallimard, 1980.

Mémoires d’Hadrien , Paris, France-Loisirs, 1981.

Mémoires d’Hadrien , in  Œuvres romanesques , Paris, Gallimard, 1982 (19882 ; 19913), 1243 p. La Pléiade, 303.

Traductions

« Memoriile lui Hadrian (fragment) »,  Steaua , vol. 27, n. 3, p. 42-44, 1976. [traduction d’un fragment de MH] Memórias de Adriano , traduction portugaise de Martha CALDERARO, appendice de Victor BURTON, Grande São Paolo, éd. Saraiva de Bolso, 2013, 320 p. Memoriile Lui Hadrian , traduction roumaine de Mihai GRAMATOPOL, Bucarest, Editura Humanitas, 2015, 296 p. Memórias de Adriano , traduction portugaise-brésilienne, Rio de Janeiro, éd. Nova Fronteira, coll. “Coleção 50 anos”, 2015, 296 p. Kejser Hadrians erindringer , traduction danoise de  Mémoires d’Hadrien , préface de Merete PRYDS HELLE, Aarhus, Rosinante, 2017, 288 p. Memórias De Adriano , traduction brésilienne-portugaise par Martha CALDERARO, présentation de Victor BURTON et préface de l’historienne Mary DEL PRIORE, Rio de Janeiro, Nova Fronteira, 2019, 312 p.

MEME RUBRIQUE

Anna, soror…, compilations, la mort conduit l’attelage, alexis ou le traité du vain combat, la nouvelle eurydice, le coup de grâce, denier du rêve, nouvelles orientales, l’œuvre au noir, un homme obscur, conte bleu. le premier soir. maléfice, une belle matinée, connexion utilisateur.

Accéder à mon compte

dane

Académie numérique

  • Site académique
  • Site de la Dane

Sites et actualités

  • Sites favoris
  • Sites disciplinaires
  • Actualités des sites pédagogiques
  • Éducation aux médias
  • Logiciels libres

Académie de Versailles

  • Les jardins
  • Pratiques de lecture
  • Textes fondateurs et récits adaptés
  • Littérature d’idées & Presse
  • Genres narratifs
  • Étude de la langue
  • Écrire et faire écrire
  • Littérature d’idée
  • Roman & récit
  • Pratiques en LCA - Lire, dire, écrire
  • Étrangers à Rome
  • Accueil >
  • Lettres >
  • Lire et faire lire >
  • Genres narratifs >
  • Mémoires d’Hadrien – Fixité et mouvement

Mémoires d’Hadrien – Fixité et mouvement Dynamiques d’une relation

dimanche 26 janvier 2020 , par Cécile LE CHEVALIER

Introduction

1. l’empereur en mouvement : les lieux et leurs valeurs, 2. antinoüs, l’enfant mobile, 3. le vivant, la mort et le divin, 4. marguerite yourcenar et hadrien.

Cet article, écrit en préparation d’un cours portant sur le programme de 1ère pour l’épreuve anticipée de Français du Baccalauréat 2021, est né d’une résistance particulière du texte des Mémoires d’Hadrien au regard de la problématique du parcours associé à cette œuvre.

Ce parcours s’intitule : « Soi-même comme un autre » . Il pourrait inviter, dans l’œuvre romanesque, à scruter les traces que laissent, inévitablement pense-t-on, l’histoire et la personnalité de l’auteur sur la façon dont sont présentés les personnages et retracés les événements.

Dans les Mémoires d’Hadrien , une première résistance à cet égard provient de la richesse et de la précision documentaire du texte de Marguerite Yourcenar. Solidement étayée par une parfaite maîtrise des sources historiques, associée à une connaissance riche et précise de l’époque, des peuples et des personnages évoqués, cette œuvre, plus que de l’ « autobiographie fictive » si souvent mise en avant pour l’expliquer, relève d’une reconstitution historique méticuleuse. Quelle place cette reconstitution laisse-t-elle à l’expression des thématiques propres à l’auteur, à son époque, à son imaginaire ?

La narration à la première personne inviterait à rechercher dans le personnage d’Hadrien les traces d’une subjectivité de Marguerite Yourcenar : cependant, elle fustige cette interprétation dans les Carnets , en des termes sans équivoque : « Grossièreté de ceux qui vous disent : « Hadrien, c’est vous. » » . Il devient donc nécessaire d’approcher l’expression de la subjectivité de l’auteur de façon plus subtile que par la simple identification au personnage narrateur. Dans la suite de cette note, Marguerite Yourcenar inscrit par ailleurs son œuvre dans le contexte de l’ incantation , de l’invocation quasi-magique des personnages du passé , invitant presque à s’en laisser posséder  : 

Le sorcier qui se taillade le pouce au moment d’évoquer les ombres sait qu’elles n’obéiront à son appel que parce qu’elles lapent son propre sang. Il sait aussi, ou devrait savoir, que les voix qui lui parlent sont plus sages et plus dignes d’attention que ses propres cris.

Pour arriver à une appréhension plus subtile de l’expression de sa subjectivité dans les Mémoires d’Hadrien , il nous a paru justifié, et utile, de tenter de dégager un fonctionnement esthétique et un imaginaire de cette œuvre. Ce faisant, nous nous sommes peu à peu défaits d’une lecture uniquement historique de ce texte si historiquement renseigné. Nous nous sommes éloignés de son interprétation comme témoignage, encore plus de son interprétation comme autobiographie, fût-elle fictive.

Dans cet article, c’est ce trajet, cette prise de distance et, finalement, cette meilleure appréhension de l’œuvre au regard de la thématique posée, que nous avons voulu présenter.

En guise de point de départ, nous avons simplement commencé par considérer les différents lieux géographiques mentionnés, et leur organisation ; cela nous a conduit à questionner les caractéristiques et les positionnements des deux principaux personnages : Antinoüs, et Hadrien.

Dressée en s’appuyant uniquement sur les témoignages historiques, et consultable en ligne , la carte des voyages d’Hadrien  [ 2 ] fait ressortir trois grandes « époques » : 

  • celle de la jeunesse et de la formation militaire, en 117-118 , avec principalement la Syrie et les régions bordant le Danube ;
  • celle de la rencontre avec Antinoüs et des premiers voyages avec lui, en 121-126  : de Syrie, Hadrien se rend en Bithynie, puis, avec Antinoüs, en Thrace, dans l’actuelle Turquie, en Grèce, en Sicile, en Germanie, et monte jusqu’en « Bretagne » avant de redescendre par Nîmes et l’Espagne ;
  • entre 127 et 138 , celle des voyages en Afrique et en Égypte, avec, après la mort d’Antinoüs, un long retour par l’Asie Mineure et la Grèce.

Alexandre Grandazzi, dans sa conférence «  Les Mémoires d’Hadrien et l’Histoire  », présente une chronologie détaillée de la carrière d’Hadrien, et notamment de ses voyages, en identifiant entre autres :

  • de 121 à 125 , une période « gauloise » ;
  • de 123 à 128 , une période centrée sur la Grèce, l’Asie Mineure, avec aussi l’escalade de l’Etna ;
  • de 128 à 134 , le dernier voyage, de cinq ans, qui conduit Hadrien en Orient, et durant lequel Antinoüs trouve la mort.

Revenu à Rome, Hadrien adopte un mode de vie beaucoup plus sédentaire et limite ses déplacements.

Quelque longs et riches en détours que soient les itinéraires de ces trois grands voyages, ils apparaissent, sur la carte, marqués par une certaine continuité : il s’agit de lignes ou de boucles qui suivent les bords de la Méditerranée, mais repassent très peu par Rome.

Pour un mathématicien ou un sociologue, cette première carte pourrait s’analyser comme un graphe  [ 3 ] , c’est-à-dire comme un schéma des relations que les lieux entretiennent les uns avec les autres du point de vue d’Hadrien. De ce point de vue, certains lieux, vers lesquels les trajectoires convergent plus souvent, auraient pour Hadrien une importance plus marquée que les autres. Rome, Athènes, Antioche, Jérusalem, Alexandrie constituent ainsi des points de passage récurrents dans la vie d’Hadrien.

Lorsque l’on compte les lignes  [ 4 ] qui partent des villes  [ 5 ] ou y aboutissent  [ 6 ] , on constate qu’ Athènes , avec 8 lignes, obtient un score légèrement supérieur à celui de Rome (7 lignes) : dans la période des voyages, Athènes constitue un point de passage légèrement plus important que Rome pour l’empereur. Antioche, Jérusalem et Alexandrie arrivent en troisième, avec 4 lignes pour chacune.

Cette appréhension des déplacements d’Hadrien se modifie considérablement lorsqu’elle est réalisée à travers la lecture des Mémoires , toujours sous forme de graphe .

Pour réaliser ce graphe, nous sommes partis d’une carte de l’Empire romain en 125 ap. J.-C. (au commencement du règne d’Hadrien)  [ 7 ] . : 

plan dissertation memoires d'hadrien

Le résultat est un graphe dans lequel les flèches représentent les trajets d’Hadrien  [ 8 ]  : 

plan dissertation memoires d'hadrien

Dans les Mémoires , le découpage des voyages en périodes n’est plus le même : ceux de la jeunesse sont évoqués dans « Varius multiplex multiformis » et « Tellus stabilita » , avec davantage de détails et un déplacement jusqu’en Germanie lors de l’accession de Trajan au statut d’empereur. En revanche, les deux voyages avec Antinoüs se trouvent ramassés en un seul, dans « Sæculum aureum » . Après le retour d’Hadrien à Rome, intervient un dernier déplacement, en Judée, qui n’apparaît pas sur la carte de Thorsten Opper.

Les allers-retours entre les différentes « provinces » et Rome sont beaucoup plus denses, faisant de cette capitale, quoi qu’en dise Hadrien, le grand centre géographique de son existence. D’autres « centres », moins importants mais nettement repérables, apparaissent : Athènes, Antioche, et, dans une moindre mesure, Sarmizégéthuse… On s’aperçoit que l’Égypte, si étroitement associée à Antinoüs dans l’imaginaire, n’a été visitée qu’une seule fois, et ne se trouve sur le chemin d’aucun autre lieu. Sur la carte, elle agit comme un cul-de-sac.

La période passée aux côtés d’Antinoüs se caractérise par une série de déplacements extrêmement diffus , organisés autour de la Grèce . Rédigeant ses Mémoires , Hadrien mentionne alors une série de lieux liés à cette région, sans qu’il soit toujours possible d’attribuer un ordre chronologique à leur visite, ce qui condamne le graphe à rester imprécis :  Athènes et Éleusis , bien sûr, mais également Dodone , Rhodes , Smyrne , Délos … cette série de points crée un nouveau centre sur la carte, mais il s’agit d’un centre en perpétuel mouvement , bien éloigné de la solide fixité de Rome.

Cette analyse de l’importance relative de Rome et de la Grèce, de la fixité liée à l’une et de la mobilité liée à l’autre, est confirmée par un rapide décompte lexicographique , effectué ici à l’aide de l’application Kindle  [ 9 ] . Dans le texte des Mémoires d’Hadrien , le nom « Rome » apparaît 160 fois, le nom « Italie », 9 fois, le nom « Baies », 6 fois. Le nom « Athènes » est utilisé 27 fois, et le nom « Grèce », 108 fois. Marguerite Yourcenar utilise 8 fois le terme « Éleusis », 5 fois celui de « Mantinée ». À cela s’ajoutent une ou deux mentions des autres villes grecques indiquées sur le graphe. En tout, on compte donc 175 mentions de l’Italie , contre un peu plus de 148 de la Grèce , le roman brossant le portrait d’un Hadrien en tension entre l’Italie, centre névralgique – au moins symbolique – du pouvoir, et la Grèce, sa terre de culture et terre de cœur. À titre de comparaison, Antioche est mentionnée 7 fois, Sarmizégéthuse, 4 fois, Alexandrie, 6 fois.

De retour à Rome après la mort de son favori, Hadrien, dans les Mémoires , n’en bouge pratiquement plus, sinon pour aller régler les problèmes en Judée à la fin de sa vie. Les épisodes grecs et égyptiens en sont-ils définitivement clos pour autant ? Hadrien nous livre lui-même la réponse au début du roman : 

Quinze ans aux armées ont duré moins qu’un matin d’Athènes  ; il y a des gens que j’ai fréquentés toute ma vie et que je ne reconnaîtrai pas aux Enfers. Les plans de l’espace se chevauchent aussi : l’Égypte et la vallée de Tempé sont toutes proches , et je ne suis pas toujours à Tibur quand j’y suis.

Empereur en mouvement, Hadrien est aussi celui qui modèle les lieux et génère le changement  : modification des paysages urbains, mais aussi des dynamiques régionales, par la création de nouveaux centres.

Plotinopolis, Andrinople, Antinoé, Hadrianothères... J’ai multiplié le plus possible ces ruches de l’abeille humaine .

Chargées d’une valeur affective, ces nouvelles villes n’en répondent pas moins à des objectifs militaires ou économiques.

Plotinopolis est due au besoin d’établir en Thrace de nouveaux comptoirs agricoles […]. Hadrianothères est destinée à servir d’emporium aux forestiers d’Asie Mineure  […]. Hadrianople en Épire rouvre un centre urbain au sein d’une province appauvrie  : elle sort d’une visite au sanctuaire de Dodone. Andrinople , ville paysanne et militaire, centre stratégique à l’orée des régions barbares , est peuplée de vétérans des guerres sarmates ; je connais personnellement le fort et le faible de chacun de ces hommes, leurs noms, le nombre de leurs années de service et de leurs blessures. Antinoé , la plus chère, née sur l’emplacement du malheur, est comprimée sur une étroite bande de terre aride, entre le fleuve et le rocher. Je n’en tenais que plus à l’enrichir d’autres ressources, le commerce de l’Inde, les transports fluviaux, les grâces savantes d’une métropole grecque.

Antinoé elle-même, au-delà de la célébration du mort, a un rôle géopolitique à jouer en Égypte :

Antinoé allait naître : ce serait déjà vaincre la mort que d’imposer à cette terre sinistre une cité toute grecque, un bastion qui tiendrait en respect les nomades de l’Érythrée, un nouveau marché sur la route de l’Inde.

Si Hadrien fait naître et s’épanouir les villes, il sait aussi les mettre en concurrence pour affaiblir une cité qu’il juge trop arrogante, comme Antioche : 

Je songeai un moment à accroître au détriment de l’arrogante capitale syrienne l’importance de Smyrne ou de Pergame ; mais les défauts d’Antioche sont inhérents à toute métropole : aucune de ces grandes villes n’en peut être exempte.

Cette faculté d’engendrer le changement culmine à l’orée de la mort de l’empereur, avec l’ implantation réussie du culte d’Antinoüs dans la plupart des peuples qui composent l’Empire : comme le note Hadrien, « Le culte d’Antinoüs semblait la plus folle de [ses] entreprises, le débordement d’une douleur qui ne concernait que [lui] seul »  ; pourtant, dans le chapitre « Patientia »  [ 10 ] , il constate que désormais implantée à Delphes, Éleusis, en Arcadie et jusqu’en Asie, « la jeune figure [lui] échappe ; elle cède aux aspirations des cœurs simples : par un de ces rétablissements inhérents à la nature des choses, l’éphèbe sombre et délicieux est devenu pour la piété populaire l’appui des faibles et des pauvres, le consolateur des enfants morts » . Créé à l’initiative de l’empereur dans des conditions difficiles, le nouveau dieu a pris sa place dans le panthéon universel.

D’abord personnage en mouvement, Hadrien devient donc finalement, dans le roman, celui dont émane ce mouvement, mouvement physique des peuples mais également mouvement de leurs âmes qui s’emparent du culte d’Antinoüs pour le diffuser jusqu’aux limites de l’Empire. De ce qui, pour l’Hadrien réel, demeure lié à l’exercice du pouvoir  [ 11 ] , on passe, avec le personnage de Yourcenar, à une qualité intrinsèque, relevant d’une alchimie plus secrète.

Les élèves et le professeur qui rapprocheraient cet aspect d’Hadrien d’autres œuvres de Marguerite Yourcenar, comme par exemple les Nouvelles orientales , tiendraient là un axe de lecture qui mènerait peut-être tout autant à la vie de l’auteur qu’à celle du véritable Hadrien.

À ce mouvement, font écho, chez le jeune homme, la transformation physique et ce perpétuel changement de la forme qu’Hadrien essaie de capter dans la statuaire : 

J’eus d’abord à cœur de faire enregistrer par la statuaire la beauté successive d’une forme qui change  ; l’art devint ensuite une sorte d’opération magique capable d’évoquer un visage perdu.

De façon générale, ce qui caractérise le mieux Antinoüs vivant dans le roman est le mouvement  :  « Comme d’ordinaire Antinoüs allait et venait silencieusement dans la pièce » (emplacement 2491 / p. 215). Silencieux, il accompagne Hadrien comme un « génie familier »  :  « Sa présence était extraordinairement silencieuse : il m’a suivi comme un animal ou comme un génie familier » (emplacement 1941 / p. 170). Dans cette présence diffuse et familière, dans sa dimension de « dieu personnel » d’Hadrien, il se rapproche du δαίμων des Grecs — à une différence près : alors que le δαίμων de Socrate l’avertit des dangers, « ni cet enfant ni moi nous n’étions sages » , nous révèle l’Hadrien des Mémoires .

Mouvement du corps, il est aussi mouvement de la forme, et mouvement de la mémoire qui cherche à la reconstituer :

Il y a les statues et les peintures du jeune vivant , celles qui reflètent ce paysage immense et changeant qui va de la quinzième à la vingtième année : le profil sérieux de l’enfant sage.
Les figures que nous cherchons désespérément nous échappent  : ce n’est jamais qu’un moment... Je retrouve une tête inclinée sous une chevelure nocturne, des yeux que l’allongement des paupières faisait paraître obliques, un jeune visage large et comme couché. Ce tendre corps s’est modifié sans cesse, à la façon d’une plante , et quelques-unes de ces altérations sont imputables au temps. L’enfant a changé  ; il a grandi. Il suffisait pour l’amollir d’une semaine d’indolence ; une après-midi de chasse lui rendait sa fermeté, sa vitesse athlétique. Une heure de soleil le faisait passer de la couleur du jasmin à celle du miel. Les jambes un peu lourdes du poulain se sont allongées ; la joue a perdu sa délicate rondeur d’enfance, s’est légèrement creusée sous la pommette saillante ; le thorax gonflé d’air du jeune coureur au long stade a pris les courbes lisses et polies d’une gorge de Bacchante. La moue boudeuse des lèvres s’est chargée d’une amertume ardente, d’une satiété triste. En vérité, ce visage changeait comme si nuit et jour je l’avais sculpté .

Dans cette dernière citation, on relève, pour le mouvement de la forme, la profusion des verbes de métamorphose, souvent à la voie pronominale : « s’est modifié » , « le faisait passer » , « se sont allongées » , « a perdu » , « s’est creusée » , « a pris » , « s’est chargée » … Le travail complexe de la mémoire, quant à lui, est perceptible dans l’éclatement des détails, difficiles à rassembler en une forme unique et figée : « une tête » , « une chevelure » , « des yeux » , « un jeune visage » …

Bien sûr, le mouvement « intérieur », qui s’inscrit dans le corps, s’accompagne d’un mouvement « extérieur » , inscrit, lui, dans l’espace  :  « Il m’accompagna par la suite dans tous mes voyages, et quelques années fabuleuses commencèrent » (emplacement 1937 / p. 170).

Il est « l’enfant aux jambes dansantes » (emplacement 2060 / p. 179) qui gravit sans effort les pentes de l’Etna, le compagnon de chasse qui tour à tour se fait « l’enfant zélé qui se jet[te] de cheval, aux haltes, pour m’offrir l’eau des sources puisée dans ses paumes » (emplacement 2169 / p. 188), ou le chasseur fougueux qui « press[e] imprudemment son cheval, lan[ce] sa pique, puis ses deux javelots, avec art, mais de trop près » (emplacement 2361 / p. 204). C’est un « bon nageur » (emplacement 2613 / p. 223).

Comme Hadrien, il pratique la musique  : 

J’apercevais entre les cordes le profil de mon jeune compagnon, sagement occupé à tenir sa partie dans l’ensemble, et ses doigts bougeant avec soin le long des fils tendus.

Mais aussi, et surtout, la danse , et le chant : 

Il y eut une course de chevaux improvisée dans la plaine, des danses auxquelles le Bithynien prit part avec une grâce fougueuse  ; un peu plus tard, au bord du dernier feu, rejetant en arrière sa belle gorge robuste, il chanta.

À la mort, par contraste, le corps inerte du jeune homme prend « un poids de pierre »  : 

Je descendis les marches glissantes : il était couché au fond, déjà enlisé par la boue du fleuve. Avec l’aide de Chabrias, je réussis à soulever le corps qui pesait soudain d’un poids de pierre .

Dans son roman, Marguerite Yourcenar retient, pour expliquer la mort d’Antinoüs, l’hypothèse d’un suicide rituel destiné à protéger Hadrien. Mais ne doit-on pas rapprocher cette mort qui donne au corps le poids d’une pierre, de la profusion d’autres morts par lesquelles l’empereur a tant de fois tenté de figer la forme changeante de ce corps dans la pierre ? On se rapprocherait alors du mot d’Oscar Wilde : « Yet each man kills the thing he loves »  [ 12 ] .

Par la suite, Antinoüs est embaumé et momifié , et Hadrien, littéralement amené à « [tenir] [son] cœur entre [ses] mains » (emplacement 2512 / p. 216). Notons, au sujet de cet épisode, que comme la plupart des passages faisant intervenir un mysticisme un peu sanguinolent, il n’est mentionné par aucune source historique, et relève donc de l’imagination de Marguerite Yourcenar  [ 13 ] . Son ensevelissement dans la caverne se conclut par ces mots : « Il entrait dans cette durée sans air, sans lumière, sans saisons et sans fin , auprès de laquelle toute vie semble brève ; il avait atteint cette stabilité , peut-être ce calme » (emplacement 2673 / p. 229).

Le jeune homme ne retrouvera sa mobilité, dans l’esprit d’Hadrien, qu’au terme d’un long itinéraire psychologique, dans la partie « Patientia » , lorsqu’il prend le rôle de celui qui accompagne les morts. Il devient alors le Cavalier Thrace, et l’on connaît les vertus psychopompes  [ 14 ] du cheval dans l’imaginaire occidental  [ 15 ]  :

À l’orée des pays barbares, le compagnon de mes chasses et de mes voyages a pris l’aspect du Cavalier Thrace, du mystérieux passant qui chevauche dans les halliers au clair de lune, emportant les âmes dans un pli de son manteau .

Ce qui rend Antinoüs intéressant dans sa fonction psychopompe, est qu’il devient l’ intermédiaire entre deux lieux , entre le monde des morts et celui des vivants. De ce rôle de passeur entre les mondes, il évolue sans peine vers celui d’intermédiaire entre les sens et l’âme :

À Delphes, l’enfant est devenu l’Hermès gardien du seuil , maître des passages obscurs qui mènent chez les ombres. Éleusis, où son âge et sa qualité d’étranger lui avaient interdit autrefois d’être initié à mes côtés, en fait le jeune Bacchus des Mystères, prince des régions limitrophes entre les sens et l’âme .

Mais ne jouait-il pas déjà ce rôle de passeur de son vivant, seul repère fixe d’Hadrien d’un lieu à l’autre à travers les voyages, et peut-être finalement le seul à avoir touché son âme au-delà des sens ?

Par opposition à Antinoüs, Hadrien, quoique « varius multiplex multiformis » dans ses jeunes années, se caractérise par une certaine stabilité intérieure . En tant que personnage, sa problématique est moins liée à une identité en mouvement qu’à la difficulté d’advenir à soi-même :

En ce qui me concerne, j’étais à peu près à vingt ans ce que je suis aujourd’hui, mais je l’étais sans consistance .

À l’orée de la mort, les différents personnages qui l’ont successivement incarné : « l’enfant robuste » , « l’officier ambitieux » , « l’homme qui hurlait sur la poitrine d’un mort » , coexistent encore dans son âme ; à travers ces identités multiples, disparates et parfois presque contradictoires, subsiste toutefois une « force » unique, identique, inchangée :

Je suis ce que j’étais ; je meurs sans changer . […] Cette force qui fut moi semble encore capable d’instrumenter plusieurs autres vies, de soulever des mondes. Si quelques siècles venaient par miracle s’ajouter au peu de jours qui me restent, je referais les mêmes choses, et jusqu’aux mêmes erreurs, je fréquenterais les mêmes Olympes et les mêmes Enfers .

En tant qu’empereur, il a pris le contrepied de ses prédécesseurs, a interrompu la politique de conquête, et s’est attaché à stabiliser l’intérieur de l’Empire . Pour cela, il a notamment agi sur les droits des différentes couches de la population, par le biais de différentes lois, par exemple celles concernant les esclaves  [ 16 ] . Entre ses mains, l’empire romain ne s’étend pas, mais évolue en mieux. Il s’agit précisément du même mouvement que celui qui anime son être intérieur :  advenir à une réalisation plus complète, plus équilibrée et plus pure .

Un élément vient toutefois questionner ce mouvement :  le statut de dieu , qui certes, lui est imposé de l’extérieur  [ 17 ] , mais qu’il déclare à plusieurs reprises assumer, de manières toutefois légèrement différentes.

En premier lieu, le divin découle pour lui de l’ entier accomplissement de ses caractéristiques humaines  : 

À quarante-quatre ans, je me sentais sans impatience, sûr de moi, aussi parfait que me le permettait ma nature, éternel. Et comprends bien qu’il s’agit là d’une conception de l’intellect : les délires, s’il faut leur donner ce nom, vinrent plus tard. J’étais dieu, tout simplement, parce que j’étais homme.

Il correspond à une forme d’ exaltation du moi , par laquelle Hadrien s’identifie à Zeus :

Quelque temps plus tôt, au cours d’une escale en Sardaigne, un orage nous fit chercher refuge dans une cabane de paysans ; Antinoüs aida notre hôte à retourner une couple de tranches de thon sur la braise ; je me crus Zeus visitant Philémon en compagnie d’Hermès .

Mais c’est la présence, et l’action, d’Antinoüs, qui permettent cette identification d’Hadrien au maître du ciel. À la mort du jeune homme, ce Zeus rayonnant s’effondre :

Le Zeus Olympien, le Maître de Tout, le Sauveur du Monde s’effondrèrent, et il n’y eut plus qu’un homme à cheveux gris sanglotant sur le pont d’une barque .

Ici, Hadrien n’était finalement Zeus qu’en tant que membre du couple Hadrien-Antinoüs, auquel se superposait le duo formé, dans la légende de Philémon et Baucis, par Zeus et Hermès. La disparition d’un membre du couple entraîne la disparition du couple entier, et, partant, la fin de l’identification.

Dans la vieillesse, le statut divin, rendu en apparence caduc par la maladie, trouve cependant un renouveau et une force nouvelle en échappant à l’empereur pour être porté par ce qui n’est même plus sa réputation, mais qui commence à relever de la légende  :

Comme au temps de mon bonheur, ils me croient dieu ; ils continuent à me donner ce titre au moment même où ils offrent au ciel des sacrifices pour le rétablissement de la Santé Auguste . [Des] prodiges se sont produits ; des malades disent m’avoir vu dans leurs rêves, comme les pèlerins d’Épidaure voient Esculape en songe ; ils prétendent s’être réveillés guéris, ou du moins soulagés. Je ne souris pas du contraste entre mes pouvoirs de thaumaturge et mon mal ; j’accepte ces nouveaux privilèges avec gravité. […] Phlégon m’a lu dernièrement l’œuvre d’un Juif d’Alexandrie qui lui aussi m’attribue des pouvoirs plus qu’humains ; j’ai accueilli sans sarcasmes cette description du prince aux cheveux gris qu’on vit aller et venir sur toutes les routes de la terre, s’enfonçant parmi les trésors des mines, réveillant les forces génératrices du sol, établissant partout la prospérité et la paix, de l’initié qui a relevé les lieux saints de toutes les races, du connaisseur en arts magiques, du voyant qui plaça un enfant au ciel. […] je m’émerveille d’être à la longue devenu pour certains yeux ce que je souhaitais d’être , et que cette réussite soit faite de si peu de chose.

Hadrien participe alors de sa propre divinisation, mais sur un pied d’égalité avec le peuple, en l’acceptant avec simplicité et sérieux, et en reconnaissant dans sa légende l’image de ce qu’il a voulu être. En un sens, il accepte également de lâcher prise, et de laisser cette légende libre de vivre sa vie propre : il y a dans ce mouvement une forme de renoncement à agir davantage sur le monde, et sur soi-même.

Le moment n’est plus à l’exaltation d’un soi rayonnant, mais à la reconnaissance de la légende que l’on a voulu créer . L’identification de l’empereur ne se fait plus à Jupiter ou à Zeus, mais à Mars ou même à Pluton :

ils ne me comparent plus comme autrefois au Zeus rayonnant et calme, mais au Mars Gradivus , dieu des longues campagnes et de l’austère discipline, au grave Numa inspiré des dieux ; dans ces derniers temps, ce visage pâle et défait, ces yeux fixes, ce grand corps raidi par un effort de volonté leur rappellent Pluton , dieu des ombres.

Cette évolution est à rapprocher de celle d’Antinoüs, dieu personnel d’Hadrien de son vivant, dieu de tous après sa mort. Ainsi, la divinisation semble préparer l’ entrée dans la mort , et confère une vie éternelle .

Mais comment l’approche de cette mort est-elle vécue et, finalement, acceptée ?

La fin de la vie d’Hadrien, marquée par la maladie, l’est aussi par une relation plus difficile avec son corps . Ce thème apparaît dès le premier chapitre, dans « Animula vagula blandula » ( « Ce matin, l’idée m’est venue pour la première fois que mon corps, ce fidèle compagnon, cet ami plus sûr, mieux connu de moi que mon âme, n’est qu’un monstre sournois qui finira par dévorer son maître  » – emplacement 32 / p. 11), puis revient avec force dans le milieu de « Disciplina augusta », lors de la première crise d’hydropisie du cœur.

Alors envisagée avec terreur  [ 18 ] , la mort est progressivement acceptée par Hadrien à partir du moment où il prend connaissance de la lettre d’Arrien .

Mais que fait cette lettre ?

D’une part, elle lui apporte une reconnaissance , qu’il n’espérait plus, de la nature de son amour pour Antinoüs ; Arrien y reconnaît la qualité des amours héroïques, par exemple de celui d’Achille pour Patrocle, et lui « ouvre le profond empyrée des héros et des amis » , conférant un sens à son existence comme à son désespoir : 

il fait plus : il m’offre un don nécessaire pour mourir en paix ; il me renvoie une image de ma vie telle que j’aurais voulu qu’elle fût . […] Vue par lui, l’aventure de mon existence prend un sens, s’organise comme dans un poème  ; l’unique tendresse  [ 19 ] se dégage du remords, de l’impatience, des manies tristes comme d’autant de fumées, d’autant de poussières ; la douleur se décante  ; le désespoir devient pur .

D’autre part, elle apporte à Hadrien le lieu , intérieur, où il pourra mourir en paix . Jusqu’à sa lecture, ce lieu de la mort est, pour l’empereur vieillissant, source d’angoisse ou d’insatisfaction :

Durant les soupers de Tibur, je redoutais de faire à mes invités l’impolitesse d’un soudain départ ; j’avais peur de mourir au bain, ou dans de jeunes bras.

Parasitée par les souffrances du corps, son âme ne trouve la paix dans aucun lieu réel  : 

Ma chambre secrète au centre d’un bassin de la Villa n’est pas un refuge assez intérieur : j’y traîne ce corps vieilli  ; j’y souffre.

Le sentiment de l’échec qui ne le quitte pas réduit tous les lieux de sa mémoire à trois endroits pour lui néfastes : 

[…] ces lieux si chers sont trop souvent associés aux prémisses d’une erreur, d’un mécompte, de quelque échec connu de moi seul : dans mes mauvais moments, tous mes chemins d’homme heureux semblent mener en Égypte, dans une chambre de Baies, ou en Palestine .

La vieillesse et la maladie contaminent jusqu’à ses souvenirs , lui interdisant de s’y réfugier pour trouver la paix : 

[…] la fatigue de mon corps se communique à ma mémoire ; l’image des escaliers de l’Acropole est presque insupportable à un homme qui suffoque en montant les marches du jardin ; le soleil de juillet sur le terre-plein de Lambèse m’accable comme si j’y exposais aujourd’hui ma tête nue .

Par sa lettre, Arrien le sauve en lui prêtant un corps jeune et les sensations dénuées de souffrance qui lui sont liées  : 

Arrien m’offre mieux. À Tibur, du sein d’un mois de mai brûlant, j’écoute sur les plages de l’île d’Achille la longue plainte des vagues ; j’aspire son air pur et froid ; j’erre sans effort sur le parvis du temple baigné d’humidité marine ; j’aperçois Patrocle... Ce lieu que je ne verrai jamais devient ma secrète résidence, mon suprême asile. J’y serai sans doute au moment de ma mort.

Il est intéressant de constater que ce lieu où il peut attendre la mort est précisément le seul , parmi tous ceux qu’il mentionne, dans lequel il ne s’est jamais rendu physiquement . De façon non moins intéressante, on s’aperçoit, en reprenant le roman et l’analyse par le graphe, qu’à partir de sa rencontre avec Antinoüs, il a reparcouru la plupart des lieux qu’il avait visités avant de faire sa connaissance : tous les lieux d’Hadrien sont étroitement associés à Antinoüs, et la villa qu’il a fait construire, remplie des statues du jeune homme, l’est peut-être encore plus que tous les autres, bien qu’il n’ait commencé à y vivre réellement qu’après sa mort.

Dans ce lieu offert par Arrien, Hadrien retrouve une projection du couple qu’il formait avec Antinoüs, mais dans cette projection les deux éléments du couple, Achille et Patrocle  [ 20 ] , sont encore bien vivants. Pour accepter la mort, sa mort, une mort qui sera somme toute naturelle, le vieil homme a besoin de reconstruire un endroit où l’impensable n’a pas eu lieu, et où l’enfant est toujours vivant.

Une fois ce lieu trouvé, Hadrien va pouvoir accepter la mort  : cela se manifestera d’abord par la volonté d’en finir en suicidant, c’est encore la marque d’une certaine forme de souffrance, du corps comme de l’âme ; puis par l’acceptation de l’agonie qui lui est réservée, dans laquelle il trouve finalement une forme de paix, et de l’âme, et du corps.

Dans ce livre, tout est observé, et raconté, du point de vue de l’empereur sur le point de mourir : la méditation sur la mort est donc omniprésente, y compris, par anticipation, dans les parties relatant la vie d’Hadrien avant même qu’il ne fasse la connaissance d’Antinoüs  [ 21 ] .

Nous cherchions, dans l’introduction, quelle était la nature exacte de la relation entre Marguerite Yourcenar et son personnage, Hadrien. Les Carnets nous avaient alors mis sur la piste, non d’une projection , mais plutôt d’une incantation proche de la possession . Il s’agit, en quelque sorte, de convoquer un spectre, et de lui laisser la parole :

Un pied dans l’érudition, l’autre dans la magie, ou plus exactement, et sans métaphore, dans cette magie sympathique qui consiste à se transporter en pensée à l’intérieur de quelqu’un  [ 22 ] .

Cet exercice lui vient de son père : 

[…] il m’a donné le premier le goût de l’exactitude et de la vérité. Il aimait qu’on sache exactement ce qu’on savait, il aimait qu’on jugeât lentement un livre, si on lisait ensemble je ne sais quoi, une pièce d’Ibsen par exemple, il voulait qu’on se mette exactement à la place des personnages, qu’on n’y mélangeât pas ses propres sentiments .

Un père assez différent du portrait qu’elle trace d’Hadrien, sans doute  [ 23 ] . À la question « Mais, avec vous, comment était-il ? » , elle répond, de façon quelque peu surprenante : 

Il était très bien, c’était à peine un père . Un monsieur plus âgé que moi […] avec lequel on se promenait pendant des heures en parlant de philosophie grecque ou de Shakespeare […], un ami avec lequel on visitait des églises, des champs de fouilles […] et qui, par moments, avait l’air d’un vieux vagabond, à la fin de sa vie, assis sur la route avec un couteau, mangeant son sandwich.

Avec lui, elle se trouve très vite à « égalité » , sa « contemporaine » , pour reprendre le terme de Mathieu Galey : « Nous nous sentions égaux à partir de treize ans, peut-être, puisque l’âge ne comptait pas pour moi » ( Les Yeux ouverts - Entretiens avec Mathieu Galey , 1980, p. 25). Treize ans, l’âge approximatif d’Antinoüs lorsqu’il rencontre Hadrien. L’ « égalité » entre deux personnes de générations différentes, les expressions par lesquelles elle désigne son père (  « un monsieur plus âgé » , « un ami » ), ne sont pas sans évoquer certains aspects de la relation entre les deux personnages.

En approfondissant les recherches, on s’aperçoit rapidement que le « jeu » de la substitution auquel se livraient le père et la fille ne se limitait pas à se glisser dans la peau d’un personnage fictif. Il a connu des prolongements beaucoup plus poussés. Josyane Savigneau rappelle ainsi que « Michel de Crayencour n’a pas craint d’entreprendre des démarches, sous la signature de sa fille, auprès d’une maison d’édition pour que soient publiés les premiers écrits de Marguerite » . Elle explique ensuite, à propos du conte intitulé Le Premier soir  :

Le premier soir […] présente […] un intérêt plus directement biographique. On peut le considérer comme le point ultime du jeu entre le père et la fille, puisqu’il s’agit d’un texte écrit par le premier, revu et publié par la seconde. On sait combien tous deux aimaient cette ambiguïté, ce mystérieux plaisir de la substitution, signe d’une singulière intimité et d’une fascination réciproques .

Apportant des précisions au sujet de cette publication « à quatre mains », proposée alors qu’elle écrivait son premier roman, Alexis ou le Traité du vain combat , Marguerite Yourcenar insiste sur la différence d’âge entre les deux personnages du conte ( « Sa très jeune compagne attendrissait Georges par sa fraîcheur ingénue » ), avant d’expliquer : 

Le jeu me tenta. Pas plus que Michel ne s’étonnait de me voir écrire les confidences d’Alexis, il ne trouvait rien d’incongru à mettre sous ma plume cette histoire d’un voyage de noces 1900. Aux yeux de cet homme qui répétait sans cesse que rien d’humain ne devait nous être étranger, l’âge et le sexe n’étaient en matière de création littéraire que des contingences secondaires. Des problèmes qui plus tard allaient laisser mes critiques perplexes ne se posaient pas pour lui. 

Alexis est publié en 1929, l’année de la mort de son père. Dans Les Yeux ouverts , Mathieu Galey précise :  « On a retrouvé chez Grasset une lettre de vous, des années 29-30, proposant à l’éditeur un « roman sur Antinoüs » »    [ 24 ] . Antinoüs, qui, dans les Mémoires , est orphelin.

Dans les Carnets , elle met, de façon toujours plus surprenante, son père et Hadrien en relation :

Tout nous échappe, et tous, et nous-mêmes. La vie de mon père m’est plus inconnue que celle d’Hadrien .

Le père de Marguerite était « à peine un père » , mais comme le précise Pylade dans Électre ou la chute des masques , « On choisit son père plus souvent qu’on ne pense » ( Électre ou la chute des masques , II, 4).

Le travail de l’écrivain, en particulier celui de Marguerite Yourcenar, qui plus est dans les Mémoires d’Hadrien , est naturellement bien loin de se limiter à une projection pure et simple sur l’un des personnages. Mais si projection il y a, ne s’agirait-il pas, plutôt, en partie, d’une projection du père, ou plus exactement de la relation au père , sur Hadrien ? Ou de la re-création, en Hadrien, d’un père idéalisé  : n’est-il pas étrange, cet empereur qui « n’[a] pas d’enfants, et ne le regrette pas » (emplacement 3195 / p. 273), mais qui finit par adopter des successeurs sur deux générations ? Cet amant passionné, exalté par les progrès de la croissance de son compagnon, mais qui s’obstine à le désigner comme « l’enfant » , y compris lorsqu’il atteint pratiquement une vingtaine d’années  [ 25 ]  ?

Encore une fois, il ne s’agit pas, et il ne peut s’agir, dans une œuvre aussi étayée historiquement, d’une projection simple. Hadrien, Antinoüs, leur relation même conservent dans les Mémoires des spécificités qui ne peuvent relever d’une relation parent-enfant. Père, ou grand-père, Hadrien l’est peut-être davantage vis-à-vis d’Antonin et de Marc. Mais si l’invocation d’Hadrien doit se lire comme un hommage, peut-être est-elle tout autant, dans sa méthode même, un hommage au père qu’à l’empereur. À la lumière de ces considérations, on comprend en tout cas peut-être un peu mieux de quelle « grossièreté » font preuve ceux qui assimilent Marguerite Yourcenar à Hadrien.

Comment aborder le parcours « Soi-même comme un autre » à partir de ces Mémoires  ? On a vu dans cet article que la démarche la plus adaptée ne consistait pas, dans le cas de Marguerite Yourcenar, à rechercher une quelconque projection de l’auteur sur le personnage narrateur. Les pistes qu’elle nous donne, en revanche, nous invitent à analyser son travail de création, ou de re-création, comme invocation dans laquelle le « je » de l’écrivain s’efface pour laisser place à celui du personnage. En ce sens, son œuvre relève d’un type particulier de célébration . À travers le parcours « Soi-même comme un autre », ne faut-il pas alors chercher dans quelle mesure, à travers le travail littéraire, l’auteur laisse place à l’autre pour le célébrer ? De l’incarnation à l’effacement de soi, le spectre est vaste, et laisse la place à des approches variées.

Logo : portrait d’Antinoüs couronné, représentation d’inspiration hellénistique, marbre, fin du règne d’Hadrien (130-138 ap. J.-C.). Museo Nazionale Romano.

  • Interprétation
  • Antiquité romaine
  • GEP Lettres

articles de cet auteur

  • Œuvres au programme de première - Année 2023-2024
  • Colette - 1ère - Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle
  • Faire naître la parole propre des élèves : le brouillon oral ?
  • Le brouillon oral pour investir le discours sur une œuvre en lycée
  • Balzac - 1ère - Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle
  • L’abbé Prévost - 1ère - Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle
  • Rabelais - 1ère - La littérature d’idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle
  • Œuvres au programme de première - Année 2022-2023
  • LCA - Nouveau parcours MARE NOSTRUM
  • Accueil et scolarisation des élèves ukrainiens

Dans la même rubrique

  • Hybrider, débrider la lecture de La Princesse de Clèves
  • La matière historique
  • La langue et les valeurs en jeu dans le récit
  • Temporalité du récit, temporalité de la lecture
  • L’effet-personnage
  • Mémoires d’Hadrien - Entrer dans une œuvre résistante par la cartographie des lieux
  • Entrer dans la lecture des Misérables par le jeu d’évasion pédagogique
  • Faire lire un roman de chevalerie en classe de 5 ème
  • Le roman de Renart  : faut-il en rire ou en pleurer ?
  • Jouons aux cartes avec Maupassant
  • Plan du site
  • Mentions légales
  • Accès Ariane
  • Se connecter

Vous l’avez sans doute déjà repéré : sur la plateforme OpenEdition Books, une nouvelle interface vient d’être mise en ligne. En cas d’anomalies au cours de votre navigation, vous pouvez nous les signaler par mail à l’adresse feedback[at]openedition[point]org.

OpenEdition Books logo

Français FR

Ressources numériques en sciences humaines et sociales

Nos plateformes

Bibliothèques

Suivez-nous

Redirection vers OpenEdition Search.

  • Presses universitaires du Septentrion ›
  • Histoire et civilisations ›
  • Mémoires de Trajan, mémoires d’Hadrien...
  • Presses universitaires du Septentrion

Presses universitaires du Septentrion

Mémoires de Trajan, mémoires d’Hadrien

Ce livre est recensé par

Mémoires de Trajan, mémoires d’Hadrien

Voici vingt-cinq façons de rendre compte des mémoires des empereurs romains Trajan et Hadrien (98-117 et 117-138 de notre ère). Elles nous offrent de multiples variations et angles d’approche pluridisciplinaires, et se placent sous le patronage illustre de l’œuvre de Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien (1951). Elles participent de surcroît à la commémoration des mille neuf-cents ans de la mort du vainqueur des Daces et des Parthes et de l’arrivée au pouvoir de son fils « adoptif », prince...

Twenty-five ways to account for the memories of the Roman emperors Trajan and Hadrian (98-117 and 117-138 BCE) offer us many variations and angles of multidisciplinary approach, and are placed under the illustrious patronage of Marguerite Yourcenar’s Mémoires d’Hadrien (1951).

Éditeur : Presses universitaires du Septentrion

Lieu d’édition : Villeneuve d'Ascq

Publication sur OpenEdition Books : 12 février 2020

ISBN numérique : 978-2-7574-3068-2

DOI : 10.4000/books.septentrion.92038

Collection : Histoire et civilisations

Année d’édition : 2020

ISBN (Édition imprimée) : 978-2-7574-3024-8

Nombre de pages : 530

Alban Gautier et Christine Hoët-van Cauwenberghe

Novella Lapini

Christelle Ansel

Françoise Lecocq

Christophe Batsch

Michèle Villetard

Caroline Blonce

Jean-Marc Doyen

Sylvain Destephen

Maria Kantiréa

Livia Capponi

Alessandro Galimberti et Marco Rizzi

Alban Gautier (trad.)

Étienne Wolff

Pere Maymó i Capdevila et Juan Antonio Jiménez Sánchez

Alban Gautier

André Descorps-Declère

Françoise Laurent

Martin Galinier

Édith Marcq

Cyrielle Landrea

Rémy Poignault

Alexandre Terneuil

Olivier Devillers

Christophe Hugot

Stéphane Benoist

Voici vingt-cinq façons de rendre compte des mémoires des empereurs romains Trajan et Hadrien (98-117 et 117-138 de notre ère). Elles nous offrent de multiples variations et angles d’approche pluridisciplinaires, et se placent sous le patronage illustre de l’œuvre de Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien (1951). Elles participent de surcroît à la commémoration des mille neuf-cents ans de la mort du vainqueur des Daces et des Parthes et de l’arrivée au pouvoir de son fils « adoptif », prince philhellène que la romancière avait élu, afin d’aborder les rapports entre mémoires humaines et Histoire. La littérature des périodes ancienne, médiévale, moderne et contemporaine est convoquée par les études ici rassemblées, tout autant que les arts et les nombreuses formes de représentations et illustrations des aventures humaines de ces deux princes placés naguère en tête de cet âge d’or de l’histoire romaine, le fameux siècle des Antonins, revisité depuis à toutes les époques qui se sont succédé.

Professeur d’Histoire romaine à l’Université de Lille, est spécialiste de la fin de l’époque républicaine et de l’époque impériale.

Professeur d’histoire du Moyen Âge à l’Université de Caen Normandie. Ses travaux portent sur les relations entre païens et chrétiens.

Maître de Conférences HDR en histoire romaine, spécialiste de la fin de la République et du Haut-Empire romain

Professeur de langue, littérature et civilisation latines à l’Université Clermont Auvergne, spécialiste de l’Antiquité dans la littérature

Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books . Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Couverture Les entrepreneurs du coton

Les entrepreneurs du coton

Innovation et développement économique (France du Nord, 1700-1830)

Mohamed Kasdi

Couverture Enkhuizen au xviiie siècle

Enkhuizen au xviii e siècle

Le déclin d'une ville maritime hollandaise

Thierry Allain

Couverture Les loteries royales dans l’Europe des Lumières

Les loteries royales dans l’Europe des Lumières

Marie-Laure Legay

Couverture Santé et travail à la mine

Santé et travail à la mine

xix e - xxi e  siècle

Judith Rainhorn (dir.)

Couverture La fabrique de l’urbanisme

La fabrique de l’urbanisme

Les cités-jardins, entre France et Allemagne 1900-1924

Couverture Banque et identité commerciale. La Société générale (1864-2014)

Banque et identité commerciale. La Société générale (1864-2014)

Hubert Bonin

Couverture Les Houillères entre l’État, le marché et la société

Les Houillères entre l’État, le marché et la société

Les territoires de la résilience ( xviii e - xxi e  siècles)

Sylvie Aprile, Matthieu de Oliveira, Béatrice Touchelay et al. (dir.)

Couverture Les Écoles dans la guerre

Les Écoles dans la guerre

Acteurs et institutions éducatives dans les tourmentes guerrières ( xvii e - xx e  siècles)

Jean-François Condette (dir.)

Couverture Bertha von Suttner 1843-1914

Bertha von Suttner 1843-1914

Amazone de la paix

Marie-Claire Hoock-Demarle

Couverture La guerre de 1940

La guerre de 1940

Se battre, subir, se souvenir

Stefan Martens et Steffen Prauser (dir.)

Couverture Histoire de Boulogne-sur-Mer

Histoire de Boulogne-sur-Mer

ville d’art et d’histoire

Alain Lottin (dir.)

Couverture Europe de papier

Europe de papier

Projets européens au xix e  siècle

Sylvie Aprile, Cristina Cassina, Philippe Darriulat et al. (dir.)

Couverture Une mémoire en actes

Une mémoire en actes

espaces, figures et discours dans le monde romain

Stéphane Benoist, Anne Daguet-Gagey et Christine Hoët-van Cauwenberghe (dir.)

Couverture La vie des autres

La vie des autres

Histoire, prosopographie, biographie dans l’Empire romain

Stéphane Benoist et Christine Hoët-van Cauwenberghe (dir.)

Couverture Figures d’empire, fragments de mémoire

Figures d’empire, fragments de mémoire

Pouvoirs et identités dans le monde romain impérial (II e  s. av. n. è.–VI e  s. de. n. è.)

Couverture Sel et société

Sel et société

Tome 2 : Santé, croyances et économie

Christine Hoët-van Cauwenberghe, Armelle Masse et Gilles Prilaux (dir.)

Accès limité logo

Accès limité

Lire en ligne

Édition imprimée

Mots-clés : Empire romain , réception de l’Antiquité , enjeu mémoriel , récit et écriture de l’histoire , figure et représentation

Thèmes : Littératures , Histoire romaine

Ce livre est cité par

  • (2020) Liste des livres reçus au bureau de la rédaction. Revue historique , n° 695. DOI: 10.3917/rhis.203.0243

Ce livre est diffusé en accès limité. L’accès à la lecture en ligne ainsi qu’aux versions PDF et ePub est réservé aux bibliothèques l’ayant acquis. Vous pouvez vous connecter à votre bibliothèque à l’adresse suivante : https://freemium.openedition.org/oebooks

Si vous avez des questions, vous pouvez nous écrire à access[at]openedition.org

Référence numérique du livre

Mémoires d’Hadrien, excipit : lecture linéaire

Tu passes le bac de français ? CLIQUE ICI et deviens membre de commentairecompose.fr ! Tu accèderas gratuitement à tout le contenu du site et à mes meilleures astuces en vidéo.

mémoires d'hadrien yourcenar excipit analyse

L’extrait étudié ici en explication linéaire va de «  Ils m’ont emmené à Baïes  » jusqu’à la fin du roman  » Tâchons d’entrer dans la mort les yeux ouverts  »

Mémoires d’Hadrien, excipit, introduction

Le roman Mémoires d’Hadrien se présente comme les mémoires fictives adressée par Hadrien au futur empereur Marc-Aurèle.

Dans ce roman épistolaire et historique, l’empereur Hadrien porte un regard rétrospectif sur sa vie pour mieux en saisir l’unité et atteindre la connaissance de soi.

(Voir mon  résumé et analyse de Mémoires d’Hadrien )

L’excipit du roman se situe dans le chapitre « Patientia » où Hadrien se prépare à la mort. Il s’apprête à terminer la lettre qu’il écrit à l’attention de Marc-Aurèle.

Problématique

Comment le récit de la mort d’Hadrien par lui-même évite-t-il le tragique pour proposer une approche stoïcienne de la mort ?

Annonce du plan linéaire

Dans cet excipit de Mémoires d’Hadrien , l’empereur qui s’apprête à mourir s’éloigne de l’agitation du monde (I).  Il renonce au tragique et met à distance la tristesse de ses proches (II) pour adopter une approche stoïcienne de la mort (III).

I – La fin d’une épopée

(de «  ils m’ont emmené à baïes  » à «  galop du cavalier thrace… « ).

Les premières lignes de cet excipit montrent l’ éloignement d’Hadrien de l’agitation du monde .

La troisième personne du pluriel «  Ils m’ont emmené à Baïes » et la position grammaticale d’Hadrien dans cette phrase (le «  me  » est COD ) souligne qu’Hadrien n’est plus maître de son corps et s’en remet à son entourage.

Ce sentiment est renforcé quelques lignes plus loin par la référence aux mains qui semblent se détacher d’Hadrien , suggérant une perte de sens de lui-même («  mains, qui s’agitent malgré moi « ).

«  Baïes  » évoqué à la première phrase de l’extrait est une cité thermale aux vertus curatives mais aux mœurs légères. Il est paradoxal que l’Empereur vienne terminer ses jours dans ce lieu de plaisir comme le montre le champ lexical du plaisir : «  murmure  », «  soie froissée  », «  caresse  », «  Je jouis  », «  ces longs soirs  », «  roses  ».

Ce champ lexical chargé d’une sensualité presque érotique dessine un tableau crépusculaire, romantique , qui symbolise la fin de la vie.

Le champ lexical de l’océan («  bord  », «  mer  », «  vague  », «  rivage  ») contribue à cette douceur tout en évoquant une temporalité cyclique, celle de la nature à laquelle l’Empereur Hadrien se soumet en mourant.

Le champ lexical de la nature et de la sensualité contraste avec le champ lexical du mouvement des phrases suivantes qui évoque le monde politique et militaire que quitte Hadrien : «  agitent  », «  chercher  », «  courrier  », «  lancé  » «  à fond de train  », «  sabot  », «  galop  ».

Le champ lexical de la cavalerie et le terme « courrier » et « galop » rappelle l’univers de l’épopée, de la conquête et du pouvoir qui furent le quotidien de l’Empereur Hadrien.

Mais cette agitation n’apparait plus que comme un bruit de fond : la phrase nominale «  Bruits des sabots  » ainsi que les trois points de suspension («  Cavalier Thrace…  ») donnent l’impression que le bruit se perd dans une vague rumeur puis dans le silence.

II – La mise à distance du tragique de la mort

(de «  le petit groupe des intimes  » à «  je sens sous mes doigts des pleurs délicieux « ).

Dans un souci constant de l’autre, Hadrien évoque ses proches rassemblés à ses côtés, tout en mettant à distance leur tristesse et le tragique de la mort.

La scène décrite est pathétique comme le souligne le champ lexical de la tristesse : «  pitié  », «  larmes  », «  inquiétude  », «  fatigue  », «  sanglote  ».

«  Le petit groupe des intimes  » («  Chabrias  », «  Celer  », «  Diotime  ») sont disposés en cercle autour d’Hadrien comme les spectateurs d’un spectacle tragique.

Mais l’Empereur Hadrien ,en stoïcien, ne cède pas au pathétique.

Il prend une distance ironique avec la tristesse des personnages :

– celle de de Chabrias par la phrase négative et féroce «  Les larmes conviennent mal aux rides des vieillards »

– celle de Diotime par des phrases courtes, minimales et juxtaposées : «  J’ai assuré son avenir ; il n’aime pas l’Italie ; (…) il n’a rien à perdre à ma mort  ».

L’Empereur Hadrien adopte un style froid, abrupt qui met à distance le tragique de sa mort.

Occultant sa propre fin, il évoque le futur de ses proches qu’il a organisé : «  J’ai assuré son avenir « , «  il pourra réaliser son rêve « .

L’émotion et la tristesse sont voilées par une écriture presque cinématographique qui fait un plan sur la «  mince épaule qui s’agite convulsivement sous les plis de la tunique  ».

Hadrien met un voile pudique sur l’émotion et y oppose le sang froid, la maîtrise stoïcienne de soi.

III – Une approche stoïcienne de la mort

(de «  hadrien jusqu’au bout aura été humainement aimé  » à «  les yeux ouverts « ).

Dans le dernier paragraphe de Mémoires d’Hadrien , l’empereur évoque ses dernières pensées.

Conformément à la philosophie stoïcienne, Hadrien fait face à la mort avec lucidité et acceptation .

La phrase à la troisième personne du singulier avec le prénom Hadrien et le futur antérieur « aura été…aimé » («  Hadrien jusqu’au bout aura été humainement aimé  » ) adopte le style de la nécrologie comme si Hadrien, écrivant, s’était déjà détaché de son propre corps.

L’allitération en (m) de «  hu m aine m ent ai m é  » apporte une douceur lyrique au cœur de cette tragique rencontre avec la mort.

Puis Hadrien fait une synthèse de sa vie dans une mise en abyme saisissante de l’oeuvre :

– «  Petite âme, âme tendre » fait un écho au titre du premier chapitre de Mémoires d’Hadrien «  Animula vagula blandula  »

– «  flottante  » rappelle le deuxième chapitre «  Varius multiplex multiformis  » (« varié, complexe, changeant »)

– Les «  lieux pâles, durs et nus  » évoquent le troisième chapitre «  Tellus stabilita » (la terre)

– Les «  rives familières, les objets  » aimés sont songer au quatrième chapitre de Mémoires d’Hadrien , «  saeculum Aureum  », l’âge d’or.

– Les «  yeux ouverts  » évoquent le cinquième chapitre, «  Disciplina augusta  » : la discipline auguste, celle de la lucidité stoïcienne et du calme devant la mort.

Le roman Mémoires d’Hadrien pose la question de l’identité . Par ce dernier paragraphe, Hadrien dégage en quelques lignes une unité des étapes de son existence.

Comme dans L’Eneide de Virgile, Hadrien écrit par anticipation sa descente aux Enfers : « tu vas descendre dans ces lieux pâles, durs et nus  ».

L’utilisation de la deuxième personne du singulier « tu » crée un dialogue fictif et étrange entre Hadrien et son âme.

Hadrien se divise en deux (« âme » et « corps ») puis en trois (le corps, le « je » et l’âme, le « tu ») comme s’il se décomposait progressivement sous nos yeux.

L’impératif à la première personne du pluriel qui vient clore le livre «  regardons  », «  Tâchons  » refait l’ unité entre les différentes parties du moi.

Le «  nous  » désigne bien sûr Hadrien mais aussi le lecteur désormais agrégé dans une même communauté de destin donnant à la mort d’Hadrien une dimension universelle.

La dernière phrase du roman cultive un paradoxe : Marguerite Yourcenar évoque les « yeux ouverts » au moment où Hadrien va définitivement fermer les siens et où le livre lui-même va se clore.

Mémoires d’Hadrien, excipit, conclusion

L’excipit de Mémoires d’Hadrien est le récit d’une fin de vie et d’une fin de livre .

Cette fin de roman n’adopte pas une tonalité tragique comme attendu mais plutôt un style classique et pudique qui relève de la préparation stoïcienne à la mort.

Les trois points de suspension finals miment l’entrée d’Hadrien dans la mort. Cet effet de miroir entre la fin de vie d’Hadrien et la fin du livre justifie pleinement le titre Mémoires d’Hadrien .

Tu étudies Mémoires d’Hadrien ? Regarde aussi :

♦ Mémoires d’Hadrien , incipit (lecture linéaire)

Print Friendly, PDF & Email

Les 3 vidéos préférées des élèves :

  • La technique INCONTOURNABLE pour faire décoller tes notes en commentaire [vidéo]
  • Quel sujet choisir au bac de français ? [vidéo]
  • Comment trouver un plan de dissertation ? [vidéo]

Tu entres en Première ?

Commande ton livre 2025 en cliquant ici ⇓.

plan dissertation memoires d'hadrien

Qui suis-je ?

' src=

Amélie Vioux

Professeure et autrice chez hachette, je suis spécialisée dans la préparation du bac de français (2nde et 1re).

Sur mon site, tu trouveras des analyses, cours et conseils simples, directs, et facilement applicables pour augmenter tes notes en 2-3 semaines.

Je crée des formations en ligne sur commentairecompose.fr depuis 14 ans.

Tu peux également retrouver mes conseils dans mon livre Réussis ton bac de français 2025 aux éditions Hachette.

J'ai également publié une version de ce livre pour les séries Techno ici.

un commentaire

Il n’y a pas de couverture. quelle est l’ouverture ?

Laisse un commentaire ! X

Merci de laisser un commentaire ! Pour des raisons pédagogiques et pour m'aider à mieux comprendre ton message, il est important de soigner la rédaction de ton commentaire. Vérifie notamment l'orthographe, la syntaxe, les accents, la ponctuation, les majuscules ! Les commentaires qui ne sont pas soignés ne sont pas publiés.

Site internet

  • Préparer l'épreuve anticipée de français bac 2025
  • Travailler et préparer la séquence "roman" pour l'EAF 2022
  • Dissertations sur des oeuvres au programme de l'EAF 2022 = objet d'étude, le roman

Dissertation sur une oeuvre au programme, les Mémoires d'Hadrien, Marguerite Yourcenar, sujet bac 2021

Les mémoires d’hadrien sont une plongée dans « l’expérience du temps d’un autre ». cette affirmation permet-elle de rendre compte de votre lecture du roman de yourcenar .

Revoir le parcours bac

  •  Quiz n°1
  •  Biographie de Yourcenar
  • 15 questions / Correction 
  • Faire le quiz 
  • Quiz n°2
  • Parcours "Soi-même comme un autre"
  • 33 questions / Correction 
  • Entraînez-vous 

Quiz pour revoir les études linéaires, l'oral de l'EAF 

  • Revoir les commentaires bac
  • le portrait moral de l'empereur 
  • 20 questions / Correction 
  • Faire le quiz
  • Quiz n° 4
  • L'épilogue
  • 26 questions / Correction 

Progressez avec les exercices corrigés pour la classe de 1ère, quiz, questionnaires- bac français Yourcenar Mémoires d'Hadrien parcours Soi-même comme un autre- Evaluez votre niveau

Exercices bac français yourcenar mémoires d'hadrien parcours soi-même comme un autre- evaluez votre niveau, testez vos connaissances.

Progressez avec les exercices corrigés pour la classe de 1ère, quiz, questionnaires- bac français Yourcenar Mémoires d'Hadrien parcours Soi-même comme un autre- Evaluez votre niveau

Œuvre : Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien

Parcours : Soi-même comme un autre

RAPPEL DU SUJET

Selon une critique contemporaine, les Mémoires d’Hadrien sont une plongée dans « l’expérience du temps d’un autre ». Cette affirmation permet-elle de rendre compte de votre lecture du roman de Marguerite Yourcenar ?

ANALYSE RAPIDE DU SUJET

Le libellé pose la question d’une forme d’exclusivité de la matière historique et du regard que le personnage principal, Hadrien, pose sur le monde qui l’entoure. Au-delà de cette médiation offerte par l’Empereur, se déploie un questionnement de nature phénoménologique : le « temps d’un autre », c’est à la fois la référence à une période historique de faible empan mais aussi la manière selon laquelle la conscience qui conduit la narration perçoit, organise et restitue ce vécu humain naturellement autocentré. Le candidat pouvait ensuite, après avoir évoqué le trouble que laisse se déployer le caractère imaginaire de ces mémoires d’un point de vue auctorial, nuancer et dépasser sa première approche pour souligner le caractère foncièrement intemporel du message humaniste portée par l’œuvre.

AGENCEMENT DE CES ÉLÉMENTS DANS LE CADRE D’UNE RÉFLEXION PERSONNELLE ORGANISÉE

Proposition 1

I. Hadrien et l’Empire romain, substrats d’un roman foncièrement historique

II. Une œuvre de tissage : d’une réalité à une autre ?

III. La coloration humaniste de Mémoires d’Hadrien résonne en chaque homme

Proposition 2

I. Un roman historique ? Le roman d’Hadrien

II. Un temps en écho au nôtre : Hadrien, notre contemporain ?

Corrigé académique à consulter 

Baccalauréat général - Session 2021

Corrigé officiel complet

Antilles-Guyane 

Sujet 1  =  Corrigé 1   

Dissertation sur les Mémoires d'Hadrien,Yourcenar, oeuvre au bac 2022

Dissertations sur le rouge et le noir, stendhal, oeuvre au programme du bac de français 2022, la princesse de clèves, la fayette, un roman classique ou précieux bac eaf 2022, peut-on dire que le roman "la princesse de clèves" de mme de lafayette propose une morale de l'amour, dans le roman de madame de lafayette, est-ce la raison qui guide la princesse parcours : individu, morale et société, sujet sur une oeuvre au programme, bac 2021, la princesse de clèves, madame de lafayette- antilles guyane, dissertation sur une oeuvre au programme, stendhal, le rouge et le noir, sujet bac 2021, selon vous, la princesse de clèves est-il un roman de la dissimulation bac 2022 à l'étranger, le rouge et le noir offre le spectacle d’une volonté qui sait triompher de difficultés invincibles. ce propos éclaire-t-il votre lecture, dans les mémoires d'hadrien, hadrien n'est-il qu'un homme de son temps corrigés bac 2022, disserter sur une oeuvre intégrale, roman : madame de lafayette, la princesse de clèves, 5 sujets corrigés, disserter sur une oeuvre intégrale, roman : stendhal, le rouge et le noir, 3 sujets corrigés, disserter sur une oeuvre intégrale, roman : marguerite yourcenar : "mémoires d'hadrien", 3 sujets corrigés, disserter sur une oeuvre intégrale bac 2025. 28 sujets corrigés. "le roman" : manon lescaut, la peau de chagrin, sido, mémoires de deux jeunes mariées, biographie de marguerite yourcenar et présentation de l'oeuvre les mémoires d'hadrien au bac de français 2022, présentation, résumé et genèse des mémoires d'hadrien, marguerite yourcenar- soi-même comme un autre, bac de l'eaf 2022, exemple d'une dissertation au programme 2022, mémoires d'hadrien et corpus sur yourcenar, commentaire littéraire de l'épilogue mémoires d'hadrien, yourcenar, eaf 2022 et dissertation sur l'oeuvre au programme, mémoires d’hadrien yourcenar eaf 2022 soi-même comme un autre-montaigne,au lecteur,autoportrait. etude de la langue, grammaire, analyse linéaire, etude linéaire, marguerite yourcenar, "les mémoires d'hadrien" -"quand je considère ma vie...d’avoir été empereur.", exercices bac français yourcenar mémoires d'hadrien parcours soi-même comme un autre- evaluez votre niveau, testez vos connaissances.

Les questions de corpus corrigées, le "roman" 1

Travailler et préparer la séquence"l'autobiographie" pour l'EAF 1

Nathalie Sarraute, "Enfance" parcours : Récit et connaissance de soi. EAF 2022 2

Marguerite Yourcenar : "Mémoires d'Hadrien"/ Soi-même comme un autre à l'EAF 2022 7

Dissertations sur des oeuvres au programme de l'EAF 2022 = objet d'étude, le roman 15

Stendhal, "Le Rouge et Noir" / parcours : Le personnage de roman, esthétiques et valeurs. 7

Jules Verne, "Voyage au centre de la Terre" / parcours : Science et fiction. EAF 2022 3

Madame de Lafayette, "La Princesse de Clèves" / parcours individu, morale et société 15

Etude linéaire, grammaire, Gustave Flaubert, Madame Bovary, 2e partie, chapitre IX

Etude linéaire, grammaire, marguerite duras, le ravissement de lol v. stein, etude linéaire pour l'oral de l'eaf, albert cohen, belle du seigneur, 5ème partie, chapitre 87, bac général 2021 philosophie amérique du nord, les vérités scientifiques sont-elles définitives la nature est-elle injuste, réviser la philosophie avec les annales zéro, bac techno. correction du commentaire j. s. mill, de la liberté et hobbes, léviathan, bac général 2021 français amérique du nord, les sujets sont en ligne, correction des commentaires et dissertations, réviser la philosophie avec les annales zéro, bac général, entraînez-vous avec les sujets corrigés pour le jour j., bac g 2021 philo groupe 1-corrigés:tout le monde peut-il être artiste existe-t-il des vérités définitives , bac techno 2021 philo groupe 1-correction du commentaire bergson et les artistes peuvent-ils se passer de maîtrise technique , bac g 2021 français groupe 1- sujets corrigés en ligne, pensez-vous que la poésie d'hugo ne soit qu'une poésie de la souffrance, bac technologique 2021 français centres étrangers groupe 1- correction du commentaire, zola, chapitre v de la fortune des rougon, sujets corrigés bac de français général, métropole 2021. corrigés en ligne sujets1 et 2 dès la fin de l'épreuve, sujets corrigés bac de français technologique, métropole 2021. corrigés en ligne sujets1 et 2 dès la fin de l'épreuve, les sujets du bac pro de français session juin 2021 dès la sortie de l'épreuve. corrigés et consignes académiques, bac g. philosophie métropole 2021, les sujets corrigés en ligne dès la sortie de l'épreuve, bac technologique philosophie métropole 2021, les sujets corrigés en ligne dès la sortie de l'épreuve.

Date de dernière mise à jour : 29/11/2022

Ajouter un commentaire

  • Quiz bac sur les études linéaires Montaigne les Essais, littérature d'idées
  • Quiz ton bac de français : Marivaux, L'Île des esclaves/parcours maîtres et valets
  • Quiz ton bac de français:Olympe de Gouges La déclaration des droits de la femme et de la citoyenne
  • Quiz ton bac de français Gargantua Rabelais, "Rire et savoir", "la bonne éducation"
  • Quiz bac. Es tu prêt pour l'oral du bac de français?
  • Quiz Rimbaud "Cahiers de Douai", parcours "Emancipations créatrices"
  • Quiz ton bac de français : Molière, le Malade imaginaire, parcours spectacle et comédie
  • Quiz ton bac de français : Marivaux, les Fausses Confidences, parcours "théâtre et stratagème"
  • Quiz ton bac : La Bruyère les Caractères "comédie sociale", "peindre les hommes"
  • Exercices bac Lagarce Juste la fin du monde crise personnelle/crise familiale
  • Quiz ton bac J. Verne Voyage au centre de la Terre/parcours Science et fiction
  • Quiz ton bac Sarraute Enfance parcours Récit /connaissance de soi
  • Quiz ton bac Stendhal Le Rouge et Noir/parcours Le personnage de roman, esthétiques, valeurs
  • Quiz ton bac de français, Yourcenar Mémoires d'Hadrien Soi-même comme un autre
  • Quiz Guillaume Apollinaire Alcools parcours Modernité poétique 
  • Quiz Hugo, Les Contemplations livres I à IV parcours Les Mémoires d'une âme.
  • Quiz Baudelaire les Fleurs du mal parcours bac Alchimie poétique la boue et l’or.
  • Quiz sur Manon Lescaut, l'abbé Prévost, étude du roman bac EAF 2023, parcours/personnages en marge, plaisirs du romanesque
  • Quiz Colette Sido, Les Vrilles de la vigne. La célébration du monde
  • Quiz Balzac La Peau de chagrin–Les romans de l'énergie, création et destruction
  • Quiz Balzac Mémoires de deux jeunes mariées, parcours "Raison et sentiments"
  • Quiz ton bac en philosophie. Les auteurs, les séquences, les devoirs bac
  • HLP classe de première, Humanités, Littérature, Philosophie, les pouvoirs de la parole et les représentations du monde
  • Quiz bac. L'écrit de français. Exercices sur les procédés d'écriture pour réussir tes commentaires
  • Quiz Hélène Dorion, Mes forêts Parcours bac : la poésie, la nature, l'intime
  • Quiz La Rage de l'expression Ponge, parcours "Dans l'atelier du poète"

Aucune suggestion trouvée

Compte personnel

Pas encore de compte ?

Créer un compte

Accès distant

Non connecté(e)

  • Sciences Humaines et Sociales
  • Sciences, techniques et médecine
  • Droit et Administration
  • À propos de cairn.info

Recherches récentes

  • animi aspernatur
  • sit aperiam

Des idées pour vous

La fabrique du chef d'œuvre 2022, 22. mémoires d’hadrien de marguerite yourcenar (1951).

  • Par Josyane Savigneau

Pages 382 à 394

Chapitre d’ouvrage

Quand Marguerite Yourcenar (1903-1987) a publié Mémoires d’Hadrien, en 1951, à quarante-huit ans, elle n’était pas une débutante. Dès son premier roman, Alexis ou le Traité du vain combat – signé « Marg Yourcenar » – en 1929 aux éditions Au Sans Pareil, elle avait été remarquée par les critiques de l’époque. Puis elle avait publié chez Grasset et chez Gallimard, avant que la guerre ne la contraigne à quitter la France pour les États-Unis. Mais ses livres restaient ignorés du grand public. Mémoires d’Hadrien est-il son seul grand livre, dans une œuvre beaucoup plus diverse qu’on ne le croit ? L’Œuvre au noir lui tenait particulièrement à cœur. Non parce qu’elle avait reçu le prix Femina 1968 à l’unanimité, mais sans doute parce que Zénon, contrairement à Hadrien, personnage historique, lui devait son existence. « J’aimais Zénon comme un frère », disait-elle.Toutefois, c’est l’aventure que fut la rédaction de Mémoires d’Hadrien qui demeure singulière et lui donne une place à part dans la longue histoire littéraire. Singularité couronnée par un joli coup de force : être la première femme élue à l’Académie française, en mars 1980.Marguerite Yourcenar a toujours dit que la majorité de ses livres étaient en germe dans ses « projets de la vingtième année », ce qui est vrai. Ainsi, L’Œuvre au noir a été précédée d’une nouvelle, « D’après Dürer », dans le recueil La mort conduit l’attelage (Grasset, 1934). Mais le projet d’Hadrien venait de plus loin encore. À dix-neuf ans, en visitant la villa Adriana à Rome, avec son père, qui, déjà, encourageait son désir d’écrire – peut-être parce qu’il s’était lui-même rêvé écrivain –, Marguerite de Crayencour – qui vient juste de trouver le pseudonyme de Yourcenar et de publier à compte d’auteu…

0"> Ce chapitre est en accès conditionnel

Acheter ce chapitre.

Ajouter au panier

Acheter cet ouvrage

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

  • Que sais-je ? / Repères
  • Listes de lectures

Avec le soutien de

Retrouvez cairn.info sur.

  • Conditions d’utilisation
  • Conditions de vente
  • Politique de confidentialité
  • Gestion des cookies
  • Accessibilité : partiellement conforme

185.80.150.64

Toutes les institutions

  • International
  • Figaro Live

Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien

Publié le 03/31/2020 à 10:33 AM , mis à jour le 03/31/2020 à 10:33 AM

Un personnage-narrateur qui se met à distance

Formé aux disciplines intellectuelles antiques, le personnage d’Hadrien construit sa pensée et sa vie en s’observant.

« J’avais toute ma vie fait bon ménage avec mon corps (…). Cette étroite alliance commençait à se dissoudre. » Disciplina… p.264

La relation entre le corps et l’esprit est telle que cette partie de soi-même est ici traitée comme «autre».

● Se connaître, se construire

«Quant à l’observation de moi-même, je m’y oblige. (…) J’emploie ce que j’ai d’intelligence à voir de plus loin et de plus haut ma vie, qui devient alors la vie d’un autre ». Animula… p.32

« J’avais pour le moment assez à faire de devenir, ou d’être, le plus possible Hadrien » Tellus… p.118

Le personnage se traite comme un étranger et comme un projet.

Prendre de la hauteur (philosophie)

« À cette époque, je mettais à affermir mon bonheur, à le goûter, à le juger aussi, cette attention constante que j’avais toujours donnée aux moindres détails de mes actes (…) » Saeculum… p.180

Le personnage exerce un jugement sur lui-même. Yourcenar impose un personnage doué d’épaisseur, qui ne se traite pas mieux qu’un autre.

Une identité fluide et multiple

Le personnage d’Hadrien multiplie les expériences qui le tirent de lui-même.

● L’expérience du sommeil

« Si totale était l’éclipse, que j’aurais pu chaque fois me retrouver autre » p. 26 Animula…

C’est un lieu commun de la pensée antique. Dans le sommeil, on se perd, on n’est plus soi. Cette expérience mine la notion d’identité.

● Une extrême empathie

«Ces fantassins daces (…) je m’identifiais à eux » Varius… p.64

Hadrien peut se projeter dans les êtres qu’il rencontre. Il parvient à penser et sentir comme un autre, jouant sur la limite entre «moi» et «toi».

● Les âges de la vie

« Je suis ce que j’étais, je meurs sans changer. À première vue, l’enfant robuste des jardins d’Espagne, l’officier ambitieux (…) semblent aussi anéantis que je le serai quand j’aurai passé par le bûcher ; mais ils sont là .» Patientia 311

Hadrien se conçoit aussi comme une série d’actions et d’émotions. Le sujet est ainsi fait d’autres, qui sont lui.

Une vision de l’art et du monde

Les occasions où le personnage se glisse dans la pensée d’autrui évoquent, en miroir, la démarche de l’autrice.

● Ce qu’en dit Yourcenar

« Grossièreté de ceux qui vous disent: Hadrien, c’est vous » Carnets p.341

« Un pied dans l’érudition, l’autre (…) dans cette «magie sympathique» qui consiste à se transporter en pensée à l’intérieur de quelqu’un » Carnets, p.330

Le propos de l’auteure est clair: elle n’est pas Hadrien. Mais le travail poétique dérive d’une culture qui permet de se glisser dans l’expérience de l’autre.

● Célébration de Rome éternelle

«Quelques hommes penseront, travailleront et sentiront comme nous: j’ose compter sur ces continuateurs placés à intervalles irréguliers le long des siècles ». Patientia p.314

Les institutions romaines représentent un guide spirituel pour une modernité troublée. Ici le «je» du personnage et de l’auteur semblent s’accorder.

● Une expérience poétique et humaine

« Même là où j’innovais, j’aimais à me sentir avant tout un continuateur » Saeculum… p.141 Le thème de la continuation est une clé pour l’esthétique et les valeurs du personnage et de l’auteur. L’autre, respecté, se fait place en moi.

CE QU’IL FAUT RETENIR

Soi-même comme un autre: dans les Mémoires d’Hadrien , où «je» protéiforme, complexe, est sans cesse mis à distance par l’observation, le travail sur soi ou le projet politique. Mais ce «je» entretient aussi une étonnante relation avec l’autrice, capable d’assez d’empathie pour rendre crédible l’écriture à la première personne. Celle-ci, renouvelée, devient un moyen de renouveler le projet romain, dans un monde bouleversé.

Envie de continuer à réviser ?

Inscris-toi et accède gratuitement à toutes nos fiches, quiz annales du bac !

Les autres fiches de révisions en français

  • Voyage au centre de la terre, jules verne, 1864
  • Beaumarchais, le mariage de figaro, 1784
  • Objet d’étude: le personnage, esthétique et valeurs - œuvre intégrale: le rouge et le noir, stendhal, 1830. - parcours associé «le personnage, esthétique et valeurs»
  • Enfance, nathalie sarraute, 1983
  • Baudelaire, les fleurs du mal, 1857
  • Jean de la fontaine, fables, livres vii à xi
  • Montesquieu, les lettres persanes, 1721
  • Jean racine, phèdre, 1677
  • Samuel beckett, oh les beaux jours, 1963
  • Le théâtre du xviie au xxie siècle
  • Le roman et le récit du moyen âge au xviie siècle.
  • La poésie du xixe au xxie siècle
  • La littérature d’idées du xvie au xviiie siècle
  • Le roman et le récit du moyen-âge au xxie siècle
  • Montaigne, essais, «des cannibales» (i,31), «des coches» (iii,6), 1580
  • Madame de la fayette, la princesse de clèves, 1678
  • Victor hugo, les contemplations, livres i à iv
  • Guillaume apollinaire, alcools, 1913

Memoirs of Hadrian

Guide cover placeholder

Fiction | Novel | Adult | Published in 1951

Plot Summary

Continue your reading experience

Subscribe to access our Study Guide library, which offers chapter-by-chapter summaries and comprehensive analysis on 8,000+ literary works ranging from novels to nonfiction to poetry.

plan dissertation memoires d'hadrien

Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien (1951)

plan dissertation memoires d'hadrien

Une erreur sur la page ? Une idée à proposer ?

Nos manuels sont collaboratifs, n'hésitez pas à nous en faire part.

Oups, une coquille

j'ai une idée !

Nous préparons votre page Nous vous offrons 5 essais

Overblog

Analyse-Livres & Culture pour tous

Gazette littéraire

Soi et les autres dans “Mémoires d’Hadrien” (Yourcenar)

5 Février 2022

Rédigé par Litteratus et publié depuis Overblog

Il s'agit d'une analyse rétrospective qui part des autres pour aboutir à la détermination de lui-même. Pour répondre à la question qui suis-je ? Hadrien est obligé de passer par des étapes : le regard de l’empereur sur les hommes; sa ressemblance avec les autres, la recherche des vertus humaines, avant de considérer sa propre supériorité qui réside dans le choix de la liberté :” Je ne méprise pas les hommes. Si je le faisais, je n’aurais aucun droit, ni aucune raison, d’essayer de les gouverner.”

harden, mémoires, yourcenar, soi et les autres

Repères : mémoires d’Hadrien  : étude

Pour rappel, notre étude porte sur les trois lectures suivantes  : 

  • projet d’écriture  d’Hadrien : « peu à peu, cette lettre commencée pour t’informer des progrès ….avant de mourir. » (p.30-31)
  • Réflexions sur lui comme les autres hommes : « Je ne méprise pas les hommes…n’osent l’être » (page 51-52)
  • Bilan : « je suis ce que j’étais… efficacité » (page 311)

L’étude analytique de cet extrait se fera selon la méthode   6  GR OS SES   C LE FS  ©.

Il s’agit de prendre le texte sous six angles différents en nous fondant sur un moyen mnémotechnique comprenant des codes couleur.

Problématique

Il convient de préciser que ce texte est extrait de la deuxième partie du roman, varius multiplex multiformis. Il  s’ouvre sur la période de formation intellectuelle d’Hadrien, puis sa première expérience de juge avant qu’il n’embrasse la carrière militaire. Le passage choisi présente le regard de l’auteur sur les autres. Il s'agit d'une analyse rétrospective  qui part des autres pour aboutir à la détermination de lui-même. Pour répondre à la question qui suis-je ? il est obligé de passer par des étapes :

  • le regard de l’empereur sur les hommes
  • La ressemblance avec les autres,
  • la recherche des vertus humaines,
  • la supériorité d’Hadrien

La problématique est donc celle de savoir comment l’empereur se compare à ses contemporains pour mieux s’analyser lui-même.

"Je ne méprise pas les hommes . Si je le f aisais , je n ’aurais aucun droit, ni aucune raison , d’essayer de les gouverner. Je les sais vains, ignorants, avides, inquiets, capables de presque tout pour réussir, pour se faire valoir, même à leurs propres yeux, ou tout simplement pour éviter de souffrir. /Je le sais : je suis comme eux, du moins par moments , ou j’ aurais pu l’être. Entre autrui et moi, les différences que j’ aperçois sont trop négligeables pour compter dans l’addition finale. Je m’efforce donc que mon attitude soit aussi éloignée de la froide supériorité du philosophe que de l’arrogance du César. / Les plus opaques des hommes ne sont pas sans lueurs : cet assassin joue proprement de la flûte ; ce contremaître déchirant à coups de fouet le dos des esclaves est peut-être un bon fils ; cet idiot partagerait avec moi son dernier morceau de pain. Et il y en a peu auxquels on ne puisse apprendre convenablement quelque chose . Notre grande erreur est d’essayer d’obtenir de chacun en particulier les vertus qu’il n’a pas, et de négliger de cultiver celles qu’il possède . J’ appliquerai ici à la recherche de ces vertus fragmentaires ce que je disais plus haut , voluptueusement, de la recherche de la beauté. J ’ ai connu des êtres infiniment plus nobles, plus parfaits que moi-même, comme ton père Antonin ; j ’ai fréquenté bon nombre de héros, et même quelques sages. J’ai rencontré chez la plupart des hommes peu de consistance dans le bien, mais pas davantage dans le mal ; leur méfiance, leur indifférence plus ou moins hostile cédait presque trop vite, presque honteusement, se changeait presque trop facilement en gratitude, en respect, d’ailleurs sans doute aussi peu durables ; leur égoïsme même pouvait être tourné à des fins utiles . Je m’étonne toujours que si peu m ’aient haï ; je n ’ ai eu que deux ou trois ennemis acharnés dont j’étais, c omme toujours , en partie responsable. Quelques-uns m’ont aimé : ceux-là m’ont donné beaucoup plus que je n’avais le droit d’exiger, ni même d’espérer d’eux, leur mort, quelquefois leur vie . Et le dieu qu ’ils portent en eux se révèle souvent lorsqu’ils meurent. / Il n’y a qu’un seul point sur lequel je me sens supérieur au commun des hommes : je suis tout ensemble plus libre et plus soumis qu ’ils n’ osent l’être. "

1. Le regard de l’empereur sur les hommes

Hadrien part des autres pour se définir lui-même; il procède par une démonstration sur l’amour qu’il porte à ses contemporains qui le mène à embrasser paradoxalement une vision pessimiste des hommes. 

a) un amour pour les hommes

Hadrien se lance dans une phrase déclarative pour témoigner de son amour pour le commun des mortels ; il le fait par une phrase d’accroche au présent de l’indicatif :”Je ne méprise pas les hommes.”: mais la tournure négative donne un malaise traduit par un effet de litote ; en effet, il signifie par là le contraire  ; mais cette litote introduit une distance entre l’empereur et ses contemporains. 

Pour appuyer ses dires, il explicite cette affection en recourant au mode conditionnel, celui de l’hypothèse : là encore, c’est par un biais rhétorique qu’il procède ; il va, en effet, faire la preuve de son respect pour ses sujets. Ainsi en tête de phrase, on note l’insistance sur la conjonction de subordination “si” introduisant une proposition subordonnée à l'imparfait suivie de celle au conditionnel : ”Si je le faisais, je n’aurais.“ C’est une situation qui se veut donc de l’ordre de la spéculation d’idées. 

Mais cette démonstration reprend encore la tournure négative :” je n’aurais aucun droit, ni aucune raison” : le rythme est binaire avec la répétition “aucun”, “aucune” qui fait référence à une opposition entre le droit, soit l’autorité de l’état et la raison, d’ordre pratique. Cette insistance ouvre le champ à la conséquence exprimée :”d’essayer de les gouverner.” On relève l’emploi du verbe de la tentative “essayer” qui est aussi de l’ordre de la litote. Cet effet de minimisation situe l’empereur dans une distance immense entre lui et les hommes, lesquels sont réduits à leur plus simple expression avec le pronom “les” répétés deux fois. 

b) une vision pessimiste des hommes

Ce sentiment de supériorité vis à vis de ses contemporains vient du verbe savoir qui est celui d’une déclaration de principe :”Je les sais”. Suit une énumération d’attributs du compléments d’objet direct tous péjoratifs :”vains, ignorants, avides, inquiets, capables de presque tout pour réussir, pour se faire valoir, même à leurs propres yeux, ou tout simplement pour éviter de souffrir.” On comprend donc mal comment l’empereur peut aimer le genre humain dont il ne voit paradoxalement que les travers. Par un effet de surprise, il nous met sur la piste. 

2. Hadrien, un homme comme les autres

Hadrien en vient à se  comparer à ses contemporains avant de se situer vis-à-vis d’eux sur le plan moral. 

a) Le faux abaissement d’Hadrien  

Pour ce faire, il reprend le verbe “savoir” mais en omettant le pronom personnel relatif aux hommes “les” pour lui adjoindre celui au singulier “le” qui est de l’ordre de la connaissance; pour se faire bien comprendre, une proposition coordonnée vient à l’appui de cette phrase déclarative, lapidaire, qui est à la voie affirmative :”je suis comme eux,”. 

La comparaison de Hadrien avec les hommes réduit la distance précédente par un effet de surprise : en un mouvement descendant, il s’abaisse pour leur ressembler. 

Mais aussitôt, il se corrige avec la locution adverbiale qui introduit le complément circonstanciel de temps :”du moins par moments”. L’atténuation du propos se poursuit avec la deuxième proposition coordonnée qui annule l’effet initial  : “ou j’aurais pu l’être.” L'emploi du conditionnel indique que l’empereur n’est concrètement pas comme ses contemporains. 

Dès lors, on ne comprend plus sa démonstration qui vient à son point de départ. Que cherche-t-il à nous dire ? 

b) Le plan moral

Il faut comprendre que la comparaison d’Hadrien avec le commun des mortels se veut non pratique, mais théorique. Il a besoin des autres pour se situer lui-même.

Hadrien se situe sur le plan moral comme on le comprend avec l’opposition entre le pluriel, “les hommes” et “autrui”, le genre humain. 

Dès lors, l’analyse comparée commence par une affirmation philosophique qu’il vient de poser selon laquelle le statut de l’empereur “moi” appartient au genre humain “autrui” : l’importance de l’autre est accentuée puisqu’il est placé en premier dans la comparaison qui est mise en apposition : “Entre autrui et moi,”. Hadrien partage les qualités et les défauts de la nature humaine.

Hadrien se livre en outre à des comparaisons qu’il effectue avec le champ lexical du calcul : “différences”, “addition” "supériorité". Il poursuit en utilisant des adverbes marquant des degrés différents, excessif avec “trop” et d’égalité avec “aussi”; ces éléments démontrent le souci de l'empereur en matière de positionnement vis-à-vis de ses sujets dans l’exercice du pouvoir.

On voit bien que la manière de se comporter n’est pas définitive puisqu’elle nécessite d’être chaque fois réajustée : on le note avec le mode du subjonctif “que mon attitude soit aussi” qui est le mode du doute et de la réflexion. 

Le verbe “s’efforcer” montre que l’action n’est pas acquise une fois pour toute et que l’objectif  est difficile : l’empereur est donc dans une démarche où il se questionne et se remet en question. 

Pour définir son rôle, il le fait par la voie de l’opposition “philosophe/César” qui constituent les deux limites à ne pas dépasser : son rôle se situe entre l’entre deux,  loin de la condescendance “froide supériorité du philosophe” ou loin de la suffisance tout comme l’expression  “l’arrogance du César” l’indique; 

La démarche de l’empereur est donc toute en nuance.

3. La recherche des vertus humaines

Pour se définir lui-même, Hadrien recherche ce qui constitue la nature humaine. Il réfléchit comme un philosophe en quête de vertus humaines, mais il le fait d’abord à des fins politiques.

a) La nature humaine

L’empereur commence son argumentation par la conclusion : “Les plus opaques des hommes ne sont pas sans lueurs”. Cette sentence pleine de contraste avec les adverbes  “plus” opposé “sans” se veut universelle puisqu’il utilise le présent de vérité générale : “sont”, “joue”, “est”; 

Là encore, il procède par litote avec l’emploi de la négation et de l’adverbe”sans”. 

Il dit peu pour, en réalité, asséner une vérité positive selon laquelle les hommes ne sont pas totalement mauvais. 

Il cherche à expliciter sa position à l’aide d’exemples pris au hasard :

Avec des propositions coordonnées, on a une suite d’énumérations avec un rythme ternaire : “cet assassin joue proprement de la flûte ; ce contremaître déchirant à coups de fouet le dos des esclaves est peut-être un bon fils ; cet idiot partagerait avec moi son dernier morceau de pain.” 

Il emploie des exemples extrêmes : “assassin”, “contremaître” violent et “idiot” réunis par le déterminant démonstratif “cet”, “ce”, purement rhétorique, pour donner un visuel à sa démonstration. La démonstration repose aussi sur une description sensorielle avec la vue “lueurs”, le goût avec “pain” l'ouïe avec “la flûte" et le toucher “avec le fouet” : les passions humaines reposent sur l’exercice de nos sens;

Il choisit d’opposer la nature violente ou bête de l’homme “assassin”, “contremaître” violent et “idiot” avec ses qualités intrinséques telles que l’aptitude musicale “la flûte”, le respect filial “ un bon fils”, la générosité “partagerait”. 

Ces qualités sont décrites à l’aide d’une gradation avec l’adverbe positif “proprement”, l’adverbe de doute “peut-être” et le verbe “partagerait” qu’il a pris soin de mettre au conditionnel, car il n’émet qu’une hypothèse. L’homme dans sa généralité est donc un être double à la fois mauvais, mais capable de bonnes choses.

Hadrien conclut avec l’emploi de “il y a” qui est une locution de temps qui forme une nouvelle vérité générale exprimée cette fois par le mode subjonctif “il y en a peu auxquels on ne puisse apprendre convenablement quelque chose.”: on voit là encore qu’il utilise la négation “on ne puisse” et le savoir dispensé n’est pas défini “quelque chose.” 

L’homme est donc capable d’apprendre. Il s’ensuit une réflexion cette fois politique de l’empereur.

b) une réflexion politique

On entre dans une nouvelle perspective avec le changement de pronom “notre” qui englobe la responsabilité des gouvernants : elle repose sur une analyse erronée “notre grande erreur”; Hadrien joue sur les oppositions entre essayer/négliger et vertus qu’il n’a pas et “celles qu’il possède”. Le politique ne connaît pas la nature humaine comme lui vient de le faire. D'ailleurs, il s’extrait de cet aveuglement du pouvoir politique en mettant en place une quête méthodique “la recherche de ces vertus” qualifiées de “fragmentaires” compte tenu de la nature imparfaite de l’homme. Cette recherche se fait comme un art puisqu’il la compare à “ la recherche de la beauté.”

c) les vertus humaines

La suite de l’argumentation d’Hadrien quitte le champ des exemples généraux pour se faire plus particulière. 

On est dans le registre de la confidence avec le souvenir de ses rencontres personnelles durant son règne : “J’ai connu”, “j’ai fréquenté “”j’ai rencontré” “’ai eu”  tous au passé composé comme un temps qui vient de s’achever; 

Là encore, il procède par énumération “plus nobles, plus parfaits“, “bon nombre de héros, et même quelques sages”. Il utilise surtout des comparaison avec lui-même “que moi-même,”. On note la comparaison  entre Hadrien et Antonin, “comme ton père Antonin” qui se fait en faveur du père de Marc Aurèle.

Hadrien montre la versatilité de l’homme “peu de consistance dans le bien, mais pas davantage dans le mal”. Il ne va au bout de nulle chose : il est velléitaire.

Leur inconstance est soulignée par l’opposition entre “méfiance” “indifférence”, termes qui se transforment en “gratitude, en respect,”. C’est l’intérêt bien compris qui les rend si changeants.

Il en vient aux relations des autres avec lui-même ; il se met à une distance pour comprendre la manière dont il a été perçu. il se considère avec lucidité; il se connaît et se souvient de ses actions coupables. Et c’est l’étonnement qui prévaut avec le subjonctif :” Je m’étonne toujours que si peu m’aient haï”.

Il en vient à se dédouaner “ ennemis acharnés dont j’étais, comme toujours, en partie responsable.” L’autre lui permet de se juger sans concession avec l’adverbe “comme toujours” mais avec nuance “en partie”; 

Il finit par valoriser les autres “ Quelques-uns “ “ceux-là”, “les autres” “ils” qui l’ont impressionné. Il se sent indigne de mériter ce qu’il a reçu, preuve encore de la juste connaissance de lui-même. pour autant, nous ne sommes pas au bout de cette argumentation.

4. La supériorité d’Hadrien

Cette complète démonstration, lente et nuancée, s’achève sur une nouvelle comparaison, mais qui vient trancher cette fois en faveur d’Hadrien : “je me sens supérieur au commun des hommes “. C’est une parfaite antithèse avec tout ce qui a été dit plus haut. Mais cela ne concerne pas toute la personne de l’homme, mais “sur un point”. On a vu précédemment qu’il reproche à ses contemporains leur inconstance. Hadrien, lui, érige en vertu le fait d’être “plus libre et plus soumis” que les autres. 

Dans son esprit, cela le situe dans un plus grand détachement avec la liberté qu’il s’est obligé à chercher et l’ayant choisie, il n’y déroge pas. La liberté est devenue un principe de vie et une vertu.

Dans l’article suivant, nous analyserons le bilan de lui-même fait par Hadrien

repère à suivre : ”Je suis ce que j’étais “(Yourcenar)

plan dissertation memoires d'hadrien

  • Voir le profil de Litteratus sur le portail Overblog
  • Top articles
  • Signaler un abus
  • Cookies et données personnelles
  • Préférences cookies

LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC

  • Archives du BAC (43 523)
  • Art (11 059)
  • Biographies (6 177)
  • Divers (47 451)
  • Histoire et Géographie (17 970)
  • Littérature (30 268)
  • Loisirs et Sports (3 295)
  • Monde du Travail (32 156)
  • Philosophie (9 543)
  • Politique et International (18 647)
  • Psychologie (2 956)
  • Rapports de Stage (6 973)
  • Religion et Spiritualité (1 441)
  • Sante et Culture (6 435)
  • Sciences Economiques et Sociales (23 576)
  • Sciences et Technologies (11 296)
  • Société (10 927)
  • Page d'accueil
  • / Archives du BAC
  • / BAC Français

Les mémoires d'Hadrien

Par clara.vlmg   •  1 Juin 2022  •  Fiche de lecture  •  641 Mots (3 Pages)  •  384 Vues

Citation :

Procédé :

Explication :

Mouvement 1

Les dates se mélangent

/

Mémoire =} flou

Hésitation dans ses souvenirs

Souvenirs trop nombreux pour être organisés

Fresque

Métaphore

Constat de l’homme vieillissant comme une salle de maison.

Les incidents et les voyages s’entassent

/

Le voyage, thème important du roman.

→ Sicile

Luxueusement aménagée

Pas un bâtiment militaire, vie agréable

Orient/sud/occident

Nom propre

Destinat° globale :

Point de vue relatif du voyageur installé momentanément à Athènes ou en Asie mineur, plus à l’est que Rome alors centre du monde

Rhodes/Délos/Dodone

Destinations plus précises

Fut touché/fut visité

Parallélisme de construction

Rhodes

Délos

Personnification

Touchée

Île sacrée, lieu de culte

Aveuglantes de blancheur

Très lumineuse :

Evoque les 1ères sensations à la découverte des lieux

Avril/ solstice

2 points de vue = jour, de nuit

Eté ou hiver ?

Dodone

Dioné

Indications temporelles vagues, pas de dates

Sanctuaire de Zeus

Endroit agréable

Sicile

Autre lieu : changement de pays mais dans l’antiquité cette île avait un passé grec très marqué depuis le 8ème siècle avant J.C = la grande Grèce

Syracuse

Visite culturelle/ religieuse, voyage ici pas en lien avec les campagnes militaires

Nymphe

Métamorphose :

De nymphe à naïade, un monde fascinant, naturel, animé par des êtres humanoïdes

Licinius sura

=homme politique important, ami de Trajan, homme de lettres aussi

Noms =

Sonorités agréables/exotiques

Miment dans les mots le voyage physique et réel

L’eau

Nom

Elément fondamental pour les voyageurs :

Iles, mondes maritimes comme Rhodes, Délos, les sources aux « nymphes bleues », les « merveilles des eaux » = moment de sérénité

Mouvement 2

Irisations surprenantes de l’aurore sur la mer d’Ionie

1 phénomène magique lié à l’eau= recherche les spectacles inédits, se laisse guider par la curiosité du savant poète

J’avais entendu parler

Je décidai

Se fie à des récits= pas de source sûre

Va vérifier par lui-même, peut apparaitre comme un caprice/ le symbole de sa toute puissance  

Vignes/lave/neige

Substantif nature

Diversité des paysages= 1er étonnement : changement de climat

L’enfant aux jambes dansantes

Périphrase

Pour parler d’Antinoüs et insister sur son jeune âge et sa vivacité

Courrait sur ces pentes difficiles + les savants qui m’accompagnaient montèrent à dos de mules

Antithèse

Des capacités physiques particulières, admirées par le narrateur : 2 temps différents

« Courait » = imparfait : souvenir demeure encore vivace

« Montrèrent » = passé simple : un fait révolu, une seule fois

Un abri avait été construit

Structure passive

Pour à la fois insister sur autorité de l’empereur et la façon dont on lui obéit

Aspect magique : l’abri est construit sans intervention humaine apparente

Attendre l’aube. Elle vint

Personnification

Peu étonnant dans le monde païen où presque tout est empli de sacrer et de divin

Elle vint ; à l’autre ; du sommet ;

3 propositions juxtaposées

Décris le spectacle à l’aube

Une immense écharpe d’Iris

Périphrase

Des couleurs, des lumières (la vue)

Afrique/Grèce

Vus jusqu’à l’Afrique et la Grèce, comme si lui se tenait au « centre » de son empire : posit° culminante=sommet de l’Etna

Des cimes de ma vie

Moment de plénitude complet, au sens propre comme figuré

Moment de grand bonheur/perfect°

L’échanson d’immortalité

Périphrase

Se compare à un dieu

Désigne encore Antinoüs

Le rapproche ainsi de Ganymède qui servait Zeus

Aigle

Substantif

Sommet de sa gloire : l’aigle symbole du pouvoir divin= Zeus

Mouvement 3 

Retour au présent de l’écriture

Momentanément révolu les « tes » des souvenirs emmêlés s’est focalisé sur un souvenir particulier et extraordinaire

Saisons : solstices

Les temps humain/naturel se confondent

Lutter pour n’en pas affadir l’image

Conscient de sa félicité passée= risque d’en prendre des morceaux, de la transformer, l’effacer si la mémoire faisait défaut

Souvenir trop fort

Adverbe intensif

Faiblesse de l’homme malade et âgé

Plus sincère que la plupart des hommes

Adverbe

Reprend son projet de franchise, se compare aux autres et « avoue » comme un secret dévoilé

Cette félicité

Bonheur dû à l’amour qui a sans doute embelli le moment rendu parfait

Ce calme si propice aux travaux et aux disciplines de l’esprit me semble l’un des plus beaux effets de l’amour

Evocation nostalgique/hymne en l’honneur de l’être perdu

We’re fighting to restore access to 500,000+ books in court this week. Join us!

Internet Archive Audio

plan dissertation memoires d'hadrien

  • This Just In
  • Grateful Dead
  • Old Time Radio
  • 78 RPMs and Cylinder Recordings
  • Audio Books & Poetry
  • Computers, Technology and Science
  • Music, Arts & Culture
  • News & Public Affairs
  • Spirituality & Religion
  • Radio News Archive

plan dissertation memoires d'hadrien

  • Flickr Commons
  • Occupy Wall Street Flickr
  • NASA Images
  • Solar System Collection
  • Ames Research Center

plan dissertation memoires d'hadrien

  • All Software
  • Old School Emulation
  • MS-DOS Games
  • Historical Software
  • Classic PC Games
  • Software Library
  • Kodi Archive and Support File
  • Vintage Software
  • CD-ROM Software
  • CD-ROM Software Library
  • Software Sites
  • Tucows Software Library
  • Shareware CD-ROMs
  • Software Capsules Compilation
  • CD-ROM Images
  • ZX Spectrum
  • DOOM Level CD

plan dissertation memoires d'hadrien

  • Smithsonian Libraries
  • FEDLINK (US)
  • Lincoln Collection
  • American Libraries
  • Canadian Libraries
  • Universal Library
  • Project Gutenberg
  • Children's Library
  • Biodiversity Heritage Library
  • Books by Language
  • Additional Collections

plan dissertation memoires d'hadrien

  • Prelinger Archives
  • Democracy Now!
  • Occupy Wall Street
  • TV NSA Clip Library
  • Animation & Cartoons
  • Arts & Music
  • Computers & Technology
  • Cultural & Academic Films
  • Ephemeral Films
  • Sports Videos
  • Videogame Videos
  • Youth Media

Search the history of over 866 billion web pages on the Internet.

Mobile Apps

  • Wayback Machine (iOS)
  • Wayback Machine (Android)

Browser Extensions

Archive-it subscription.

  • Explore the Collections
  • Build Collections

Save Page Now

Capture a web page as it appears now for use as a trusted citation in the future.

Please enter a valid web address

  • Donate Donate icon An illustration of a heart shape

Memoirs of Hadrian

Bookreader item preview, share or embed this item, flag this item for.

  • Graphic Violence
  • Explicit Sexual Content
  • Hate Speech
  • Misinformation/Disinformation
  • Marketing/Phishing/Advertising
  • Misleading/Inaccurate/Missing Metadata

[WorldCat (this item)]

plus-circle Add Review comment Reviews

27 Favorites

DOWNLOAD OPTIONS

No suitable files to display here.

IN COLLECTIONS

Uploaded by Phillip.L on March 1, 2010

SIMILAR ITEMS (based on metadata)

IMAGES

  1. Mémoires d’Hadrien, Yourcenar : analyse de l'œuvre

    plan dissertation memoires d'hadrien

  2. MEMOIRES D ' HADRIEN par MARGUERITE YOURCENAR , 1995

    plan dissertation memoires d'hadrien

  3. Fiche de révision Mémoires d’Hadrien, Marguerite Yourcenar , « animula

    plan dissertation memoires d'hadrien

  4. Dissertation sur Mémoires d\'Hadrien [bac de français]

    plan dissertation memoires d'hadrien

  5. Memoires d'hadrien incipit

    plan dissertation memoires d'hadrien

  6. MEMOIRES D 'HADRIEN par MARGUEITE YOURCENAR , 1969

    plan dissertation memoires d'hadrien

VIDEO

  1. Mémoires d’Hadrien. Marguerite Yourcenar

  2. Sujet de type 3 : Les différents TYPES de plan d’une DISSERTATION

  3. MARGUERITE YOURCENAR / MÉMOIRES D'HADRIEN / LA P'TITE LIBRAIRIE

  4. Le "Devoir de mémoire", une mémoire collective ?

  5. Plan de dissertation économique

  6. Mémoires d'Hadrien, Marguerite Yourcenar, préparation à l'oral

COMMENTS

  1. Mémoires d'Hadrien, Marguerite Yourcenar

    L'œuvre : Mémoires d'Hadrien (1951) Le roman Mémoires d'Hadrien est le récit, à la première personne, de la vie de l'empereur. Il raconte à celui qui va lui succéder ses mémoires. Si Marguerite Yourcenar se base sur des faits historiques, le roman est toutefois une fiction. Lors d'un voyage en Italie en 1922, Marguerite Yourcenar ...

  2. Mémoires d'Hadrien, cours de 1ere

    Mémoires d'Hadrien(première partie), Marguerite Yourcenar, 1951. Un portrait de soi-même. Afin de se dessiner, Hadrien met en évidence la dichotomie entre celui qu'on est et celui qu'on croit être : il refuse d'être de ceux à qui « leur mémoire leur fabrique complaisamment une existence explicable et claire ».

  3. Dissertation sur Mémoires d'Hadrien

    Par Amélie Vioux. 26 juillet 2019. 7 commentaires. Voici un exemple de dissertation de français sur Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar. Retrouve ici des exemples de dissertation sur les autres œuvres au programme du bac de français.

  4. Mémoires d'Hadrien, Yourcenar : analyse de l'œuvre

    Mémoires d'Hadrien de Yourcenar, une œuvre à la croisée des genres. Roman historique ou mémoires de fiction, Mémoires d'Hadrien se présente comme une lettre autobiographique adressée par Hadrien au futur empereur Marc-Aurèle. Sachant que le paysage littéraire qui prévalait au cours des années 1950-1960 était influencé par le ...

  5. Mémoires d'Hadrien de marguerite Yourcenar, résumé et analyse

    Mémoires d'Hadrien est un roman historique de Marguerite Yourcenar, publié en 1951.. 1. Résumé du roman. En l'année 138 après J.-C., l'empereur romain Hadrien, alors qu'il est condamné à une mort prochaine, saisit le prétexte d'une lettre adressée à son successeur Marc Aurèle pour rédiger son autobiographie mâtinée de préceptes éthiques et de maximes politiques.

  6. Mémoires d Hadrien, Yourcenar : fiche de lecture pour le bac

    Mémoires d'Hadrien de Yourcenar : analyse du roman. Voici un résumé et une fiche de lecture de Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar. Marguerite Yourcenar publie les Mémoires d'Hadrien en 1951, six ans après la fin de la deuxième guerre mondiale et la découverte de la barbarie nazie, à un moment où l'Occident s ...

  7. Mémoires d'Hadrien

    Mémoires d'Hadrien. En 1951, Marguerite Yourcenar publie chez Plon un ouvrage en chantier sous différentes formes depuis environ un quart de siècle, auquel elle a travaillé de manière plus systématique depuis 1948: Mémoires d'Hadrien, qui va lui assurer la célébrité. Elle y donne la parole à l'empereur romain du second siècle ...

  8. Mémoires d'Hadrien

    Pour arriver à une appréhension plus subtile de l'expression de sa subjectivité dans les Mémoires d'Hadrien, il nous a paru justifié, et utile, de tenter de dégager un fonctionnement esthétique et un imaginaire de cette œuvre. Ce faisant, nous nous sommes peu à peu défaits d'une lecture uniquement historique de ce texte si historiquement renseigné.

  9. Dissertation sur Mémoires d'Hadrien Yourcenar programme 2022

    Dissertation. Dissertation sur les Mémoires d'Hadrien,Yourcenar, oeuvre au bac 2022- objet d'étude, le roman, au programme au bac de français 2022 bac général - « Le roman, c'est la fraternité on se met dans la peau des autres «Romain Gary la première fonction d'un roman est-elle de nous faire comprendre la vie des autres.

  10. Mémoires de Trajan, mémoires d'Hadrien

    Voici vingt-cinq façons de rendre compte des mémoires des empereurs romains Trajan et Hadrien (98-117 et 117-138 de notre ère). Elles nous offrent de multiples variations et angles d'approche pluridisciplinaires, et se placent sous le patronage illustre de l'œuvre de Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien (1951). Elles participent de surcroît à la commémoration des mille neuf ...

  11. Mémoires d'Hadrien, Yourcenar, excipit : analyse linéaire

    Mémoires d'Hadrien, excipit : lecture linéaire. Voici une analyse linéaire de l' excipit (la dernière page) de Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar (1951). L'extrait étudié ici en explication linéaire va de « Ils m'ont emmené à Baïes » jusqu'à la fin du roman » Tâchons d'entrer dans la mort les yeux ouverts ».

  12. Dissertation sur les Mémoires d'Hadrien de Yourcenar, bac 2022

    Antilles-Guyane. Sujet 1 = Corrigé 1. Dissertation sur les Mémoires d'Hadrien,Yourcenar, oeuvre au bac 2022- objet d'étude, le roman, au programme au bac de français 2022 bac général - « Le roman, c'est la fraternité on se met dans la peau des autres «Romain Gary la première fonction d'un roman est-elle de nous faire comprendre la vie ...

  13. 22. Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar (1951)

    Quand Marguerite Yourcenar (1903-1987) a publié Mémoires d'Hadrien, en 1951, à quarante-huit ans, elle n'était pas une débutante. Dès son premier roman, Alexis ou le Traité du vain combat - signé « Marg Yourcenar » - en 1929 aux éditions Au Sans Pareil, elle avait été remarquée par les critiques de l'époque. Puis elle ...

  14. PDF Mémoires d'Hadrien

    Carnets de notes de Mémoires d'Hadrien Gallimard. Née en 1903 à Bruxelles d'un père français et d'une mère d'origine belge, Marguerite Yourcenar grandit en France, mais c'est surtout à l'étranger qu'elle résidera par la suite : Italie, Suisse, Grèce, puis Amérique où elle a vécu dans l'île de Mount Desert, sur la côte nord-est ...

  15. Memoirs of Hadrian

    Memoirs of Hadrian (French: Mémoires d'Hadrien) is a French-language novel by the Belgian-born writer Marguerite Yourcenar about the life and death of the Roman Emperor Hadrian.First published in France in 1951, the book was a critical and commercial success. [1] It was translated into English by Grace Frick and published as Hadrian's Memoirs in 1954 by Farrar, Straus and Young and the ...

  16. Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien

    Objet d'étude: roman et récit du Moyen Âge au XXIe siècle Parcours: «Soi-même comme un autre» Dans les Mémoires d'Hadrien, le «je», omniprésent, est sans cesse «un autre». En ...

  17. Memoirs of Hadrian Summary

    Plot Summary. Memoirs of Hadrian, published originally as Mémoires d'Hadrien in 1951, is the magnum opus of acclaimed French author Marguerite Yourcenar. The novel is a work of historical fiction narrated in the first person by Roman Emperor Hadrian in the form of a letter to his successor and adopted grandson Marcus Aurelius ("Mark").

  18. Mémoires d'Hadrien

    Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien. (1951) Mémoires d'Hadrien est un roman historique qui prend la forme de mémoires fictifs. Sentant la mort venir, l'empereur romain Hadrien (76‑138) écrit une lettre à son petit‑fils adoptif, Marc Aurèle, dans laquelle il entreprend le récit de sa vie. En voici la fin.

  19. Soi et les autres dans "Mémoires d'Hadrien" (Yourcenar)

    Il s'ouvre sur la période de formation intellectuelle d'Hadrien, puis sa première expérience de juge avant qu'il n'embrasse la carrière militaire. Le passage choisi présente le regard de l'auteur sur les autres. Il s'agit d'une analyse rétrospective qui part des autres pour aboutir à la détermination de lui-même.

  20. PDF La Vie, la Destinée dans Les Mémoires d'Hadrien

    La Vie, la Destinée dans Les Mémoires d'Hadrien Brillant soldat et administrateur hors pair, corps de fer au service d'un cerveau puissamment équilibré, Espagnol de Bétique né à Italica comme son père adoptif, Hadrien (76 -138) désigné ... Je le voulais pour imposer mes plans, essayer mes remèdes, restaurer la paix » ...

  21. Mémoires D'Hadrien : Marguerite Yourcenar : Free Download, Borrow, and

    Mémoires D'Hadrien by Marguerite Yourcenar. Publication date 1951-01-01 Publisher Le livre de poche Collection internetarchivebooks; inlibrary; printdisabled Contributor Internet Archive Language English Item Size 848.9M . Notes. inherent some pages are damage. Access-restricted-item

  22. Les mémoires d'Hadrien

    Le Royaume d'Hadrien; Biographie d'Hadrien; Le mur d'Hadrien; Selon vous, les campagnes de communication exploitent- elles avec pertinence « l'extraordinaire persistance de la mémoire musicale » ? Dissertation Mémoire d'hadrien; Fiche du texte n°5 : L'idéal d'Hadrien, Tellus stabilita dans Les Mémoires d'Hadrien (1951) de ...

  23. Memoirs of Hadrian : Yourcenar, Marguerite

    Access-restricted-item true Addeddate 2010-03-01 18:06:38 Bookplateleaf 0002 Boxid IA109002 Camera